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tort en présence de cette antiquité dont le calme est, en général, le plus grand caractère dans les ouvrages d’esprit. L’impétuosité de sa pensée se jette non pas sur l’expression la plus juste, mais sur la plus forte et la plus dure. S’il a une vérité à présenter, n’attendez pas qu’il la présente par le côté qui attire, mais par le côté qui blesse. Il est téméraire, provocateur, il met au défi les intelligences qui le suivent ; mais ses ténèbres sont pleines d’éclairs, mais, chez lui, la pompe des paroles ne sert point à voiler l’indigence des pensées ; il brise les moules antiques, mais parce que la lave qui déborde ne s’y contient plus ; ses expressions si énergiques, qui semblent des défis, bien souvent forcent enfin l’aveu de votre raison qui se reconnaît vaincue ; et cet homme, qui dit tout d’une manière si barbare, arrive enfin a ce qui est le triomphe de l’éloquence humaine : à dire ce qu’il veut dire ; il le dit mal peut-être, mais tout entier, sans ménagements, de la manière la plus forte et la plus durable. C’est ainsi qu’il a fait un jour, pour le besoin d’exprimer l’ensemble de la civilisation romaine, ce mot monstrueux, mais éloquent : romanitas. C’est ainsi qu’ayant à définir l’Église il a dit dans une langue qu’aucun Romain assurément n’eût voulu reconnaître pour la sienne : « Corpus sumus de conscientia religionis et disciplinae divinitate et spei foedere. L’Église est un grand corps qui résulte de la conscience d’une même religion, de la divinité d’une même disci-