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trarque ? Qu’est-ce en effet que Béatrix, si ce n’est une personnification vivante de l’intelligence divine, une représentation symbolique, en même temps qu’une réalité souveraine et charmante ? Qu’est-ce que Béatrix, si ce n’est celle qui est destinée a purifier l’âme de Dante, à la dégager de tout ce qui lui restait de terrestre ; le seul sourire de cette jeune fille qui passait suffisait pour inonder de joie le. coeur de Dante, pour donner la paix, pour humilier l’orgueil, pour effacer les offenses et pour induire à bien faire. Dante supposait sans doute à Béatrix trop d’empire, mais du moins il a ressenti cet empire. Lorsqu’il la retrouve, lorsqu’elle lui apparaît au sommet du purgatoire, dans ce paradis terrestre qu’il reconstruit Béatrix se montre non pour le flatter, pour lui accorder de vains éloges, mais pour l’accuser de ne pas lui avoir voué un amour assez pur, de laisser son âme s’appesantira l’atmosphère dangereuse de la terre ; elle accuse Dante comme la belle esclave accusait Hermas cette esclave inconnue qu’Hermas avait un jour aimée se trouve, en quelque sorte, la sœur aînée de Béatrix, de Laure, de toutes ces femmes illustres destinées à susciter les plus beaux génies de la poésie moderne.

Nous avons aussi un spectacle bien rare dans l’histoire littéraire. Il y a des siècles qui sont comme de véritables printemps, où tout fleurit dans l’esprit humain ; mais c’est une jouissance rarement