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père le roi Juan Il. Un labyrinthe de cloîtres silencieux conduit à la chapelle toute resplendissante, toute découpée dans le style fleuri du quinzième siècle. Là au milieu du chœur, au pied d’un autel, s’élève le mausolée du roi Juan II et de sa femme, merveille d’albâtre sculpté, avec un nombre infini de saints, de personnages allégoriques, de moines et de docteurs, d’enfants qui se jouent il ne leur manque que la parole, et encore s’ils ne parlent pas, c’est, comme disait un Espagnol, parce qu’on ne parle pas chez les Chartreux. J’ai donc trouvé dans ce lieu admirable l’apogée de l’art castillan, quand l’Espagne vivait encore de son génie national, avant qu’elle fût agrandie, mais attristée, et bientôt opprimée par la dynastie autrichienne. En trois jours de séjour, j’ai vu trois cents ans d’histoire. C’est assez te dire, cher frère, combien je suis reconnaissant envers Dieu qui m’a donné la force de faire ce voyage, envers toi dont les soins m’y avaient préparé, envers cette pauvre Amélie qui en a eu toute la sollicitude.

Au retour nous avons trouvé toutes vos bonnes lettres. Je te remercie aussi de tes conseils, et de cet or que tu me prépares avec toute la passion d’un alchimiste, purifiée par la tendresse d’un frère. Amélie te serre la main et embrasse tendrement sa mère, à qui petite Marie envoie des provisions de baisers.

Adieu, nous sommes tout à vous.