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Mais à la vérité, l’exhibition n’est qu’un vain spectacle donné aux désœuvrés du siècle ; si l’on ne voit pas ailleurs les grands moyens qui ont permis à l’Angleterre de réunir ainsi sous sa tente les trésors des deux mondes. Ce n’est pas dans cet édifice fragile et éphémère qu’il faut chercher le secret de la grandeur anglaise.

Pendant qu’au-dessus des ponts se déploie la ville du luxe, la grande capitale, où se pressent les étrangers ravis ; c’est au-dessous des ponts, en descendant la Tamise, que s’étend une seconde ville de Londres qui fait la vie de la première. Celle-là n’a de monuments que ses vaisseaux, dont les mâts plus pressés et plus sveltes que toutes les colonnades, vont porter sous toutes les latitudes le drapeau britannique. Celle-là a le Tunnel, où l’on marche sous un fleuve immense sans entendre même le bruit de ses eaux. Celle-là a des docks, ces bassins où s’abritent vingt-cinq mille bâtiments. Tout autour s’élèvent des magasins innombrables : nous y avons cheminé durant des heures, dans des rues entières composées de boîtes de thé, ou de balles de sucre, ou de laines d’Australie. Au-dessous, la lampe à la main, nous avons parcouru des caves gigantesques, où viennent s’ensevelir les vendanges de l’Espagne et du Portugal. Ce sont de véritables catacombes, mais les catacombes de Mammon, bordées non de sépultures, mais de tonneaux qui valent de l’or. Voilà l’expo-