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Dimanche j’ai pu supporter sept heures de carriole par les plus détestables chemins. Le but de cette excursion si agitée était d’aller voir à Vannes la procession annuelle en l’honneur de saint Vincent Ferrier, dont on conserve les reliques dans cette ville nous espérions y voir les paysans du voisinage en assez grand nombre, et dans un de ces moments de fête où le peuple breton, circonspect et réservé d’ordinaire, se livre, et laisse paraître toute l’originalité de son caractère et de ses moeurs. En conséquence, après la messe ouïe, nous voilà partis à huit heures dans une indigne patache qui se décorait du nom de cabriolet, et qui par bonheur, chemin faisant, se changea en omnibus. Comme si nous ne trouvions pas la route assez mauvaise, nous prîmes des sentiers de traverse pour visiter le château de Susinio. Cette belle ruine valait bien un peu de fatigue. Six grosses tours, sans compter celles que l’ancien propriétaire a démolies, des murailles capables de soutenir plusieurs sièges, des créneaux, des fenêtres, une porte qui conservent les restes d’une certaine élégance, tout annonce le manoir antique des ducs de Bretagne qui y firent longtemps leur demeure. C’est le château qu’Eugène nous conseillait d’acheter : tu voudras bien dire à cet excellent ami que je le trouve trop féodal pour mes opinions démocratiques. Nous avons donc passé outre, comme tant d’autres voyageurs que ce vieux donjon a vus passer a ses pieds,