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LETTRES DE FRÉDÉRIC OZANAM

un peu de loisir, quand un grand malheur est venu nous frapper, troubler tous nos projets, et m’ôter pendant quelque temps toute liberté d’esprit et de cœur. Un frère de ma femme, que nous avions quitté avec beaucoup de chagrin, mais avec la confiance de le retrouver à notre retour, a été enlevé tout à coup par une crise imprévue. Cette affreuse nouvelle nous est arrivée au moment où nous venions de finir une neuvaine avec la sainte sœur Makrena pour sa guérison. Il est bien vrai que les prières de la vierge polonaise n’ont pas été perdues notre bien-aimé frère, qui avait eu la vie d’un martyr, a fait la mort d’un saint ; à l’âge de vingt-trois ans il a quitté la terre, je ne dis pas avec une résignation, mais avec une joie toute divine ; il laisse le vide le plus désolant dans sa famille dont il était l’âme, dont il faisait la douleur par ses souffrances et la consolation par ses vertus, par sa sérénité, par sa grande intelligence. Sa sœur ne s’est pas encore relevée d’un coup si terrible, et depuis vingt jours je n’ai guère d’autre soin que de la soutenir dans son affliction.

Nous serions même aussitôt, partis de Rome, sans attendre la semaine sainte, si nous n’avions été retenus par des lettres de nos parents qui nous laissent entrevoir la pensée de venir nous rejoindre eux-mêmes cependant nous attendons encore leur réponse définitive, et dans le délai que nous donne cette incertitude, je saisis un moment pour vous