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dans le camp opposé; transfuge inutile, car en abdiquant la foi il abdique son passé, et par conséquent sa gloire et sa force, double sujet de deuil pour ceux qui l’aimaient. Et maintenant, qui remplira la place que ceux-ci laissent vide ? Où sont les Ambroise, les Jérôme, les Augustin, qui viendront s’asseoir sur le siège désert de Tertullien ? Qui osera ramasser la lyre tombée dans la poudre, et achever l’hymne commence ? Je sais que Dieu, que l’Église, n’ont pas besoin de poëtes ni de docteurs mais ceux qui en ont besoin, ce sont les faibles croyants que les défections scandalisent ; ce sont ceux qui ne croient pas et qui méprisent notre pauvreté d’esprit : c’est nous-mêmes qui avions besoin parfois de voir devant nous des hommes plus grands et meilleurs, dont le pied frayât notre sentier, dont l’exemple encourageât et enorgueillît notre faiblesse. Nous ne pouvons pas, jeunes gens chrétiens, penser à remplacer ces hommes ; mais ne pourrions-nous pas en faire la monnaie, et combler par le nombre et le travail la lacune qu’ils ont laissée dans nos rangs ?

Cette question à laquelle mon amour-propre trouve bien un peu son compte est pourtant posée surtout dans votre intérêt. Souvent j’ai admiré eu vous un humble sentiment de vous-même, un mépris des choses terrestres dont je déplorais ensuite les conséquences excessives. Dante fait dire quelque part au diable qu’il est un habile logicien et c’est