Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de mes études de droit, il faudra choisir entre ces deux voies, il faudra mettre la main dans l’urne : en tirerai-je noir ou blanc ? Je suis environné, sous certains rapports, de séductions : de toute part on me sollicite, on me met en avant, on me pousse dans une carrière étrangère à mes études ; parce que Dieu et l’éducation m’ont doué de quelque étendue d’idées, de quelque largeur de tolérance, on veut faire de moi une sorte de chef de la jeunesse catholique de ce pays-ci. Nombre de jeunes gens, pleins de mérite, m’accordent une estime dont je me sens très-indigne, et les hommes d’âge mûr me font des avances. Il faut que je sois à la tête de toutes les démarches, et, lorsqu’il y a quelque chose de difficile à faire, il faut que ce soit moi qui en porte le fardeau. Impossible qu’il y ait une réunion, une conférence de droit ou de littérature, sans que je la préside ; cinq ou six recueils ou journaux me demandent des articles ; en un mot, une foule de circonstances, indépendantes de ma volonté, m’assiègent, me poursuivent, m’entraînent hors de la ligne que je me suis tracée.

Je ne te dis point cela par amour-propre : car, au contraire, je sens si bien ma faiblesse, à moi qui n’ai pas vingt et un ans, que les compliments et les éloges m’humilient plutôt, et me donnent presque envie de rire de ma propre importance ; mais je n’ai pas sujet de rire, et, au contraire, je souffre d’incroyables tourments, quand je sens que