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pu découvrir la côte d’Irlande et la convoiter. Sans doute Probus, après avoir dévasté la Germanie jusqu’à l’Elbe, songeait à la réduire en province. La prudence du sénat arrêta ses agrandissements. Mais le christianisme ne pouvait céder aux mêmes conseils. Un jeune Gaulois, nommé Patrice, enlevé par des pirates irlandais et vendu dans leur île, où il garda des troupeaux, réussit à s’enfuir, regagna la Gaule et s’enferma au monastère de Lérins. Quelques années après, il reparaissait en Irlande comme envoyé de la papauté ; à son tour il enchaînait les peuples, mais avec la chaîne dorée de la parole et sous le joug léger de l’Évangile. Au bout de trente-trois ans, l’Irlande convertie mettait au service du christianisme une race neuve, capable de tous les travaux et de tous les dévouements. La conversion de la Germanie voulut plus de temps et plus d’efforts. Il fallut trois cents ans de prédication et de martyres pour reprendre d’abord les anciens postes romains sur le Rhin et sur le Danube, pour enlever ensuite pied à pied la Thuringe, la Franconie et la Frise. À chaque siècle, les colonies chrétiennes se multiplient ; elles s’enfoncent dans des solitudes sans nom : à chaque siècle elles périssent sous un flot de païens, aussi épris de leurs faux dieux que de leur indépendance. La lutte se prolonge jusqu’à ce que saint Boniface constitue enfin la province ecclésiastique de Germanie. Il meurt en Frise de la main des barbares, mais en pardonnant à ses meurtriers : les Romains avaient su mourir, et ce grand art les avait conduits à moitié chemin de la con-