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lutte, mais dans une lutte contenue par la règle, et de ce combat naît le droit romain, le plus grand effort qu’ait fait l’antiquité pour réaliser sur la terre l’idée de la justice. Mais cette justice, admirable quand elle réglait les contrats, se troublait tout à coup en disposant des personnes. Elle consacrait l’esclavage ; elle établissait une espèce d’hommes qui n’avaient ni Dieu, ni famille, ni droit, ni devoir, ni conscience. Je ne parle pas de la femme et de l’enfant, esclaves domestiques que le père de famille pouvait tuer ou vendre : voilà pour la justice. En ce qui touche la charité, il est vrai que Cicéron en a prononcé le nom. Il a écrit le mot (caritas), mais qu’il est loin de la réalité ! Ce grand moraliste n’ose point condamner les combats des gladiateurs. Pline le Jeune les loue, et Trajan, le meilleur des princes, donna cent vingt-trois jours de fêtes, où dix mille combattants s’entr’égorgèrent pour le plaisir du peuple le plus policé du monde. On ne connaît pas assez toute l’horreur de ces sociétés païennes, qui mêlaient aux plus délicates jouissances de l’esprit les derniers assouvissements du sang et de la chair.

Ce fut le travail des temps chrétiens de faire vivre dans les âmes et pénétrer dans les institutions deux sentiments, sans lesquels il n’y a ni charité ni justice : je veux dire le respect de la liberté et le respect de la vie humaine. Le christianisme reconquiert la liberté de l’homme, non d’un seul coup, mais pied à pied. Il rend premièrement à l’esclave la conscience qui fait de lui non plus une chose, mais une personne, qui lui donne