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dessous de cette poésie populaire où les grands peuples de l’Europe occidentale ont montré toute la variété de leurs caractères, on reconnaît bientôt une littérature savante, commune à tous, dépositaire des doctrines théologiques, philosophiques, politiques, qui firent durant huit cents ans l’éducation de la chrétienté. Je voudrais maintenant étudier cette éducation commune des peuples modernes ; je voudrais les considérer, non plus dans cet isolement auquel se condamne l’historien particulier de l’Angleterre ou de l’Italie, mais dans ce rapprochement fécond que la Providence avait préparé. Enfin je voudrais faire l’histoire des lettres au moyen âge, en remontant au moment obscur où on les voit échapper au naufrage de l’antiquité, en les suivant dans les écoles des temps barbares, jusqu’à ce que, les nations étant constituées, les lettres sortent de l’école pour prendre possession des langues nouvelles.

Cette longue période s’étend du cinquième au treizième siècle. Au milieu des orages du temps et devant la brièveté de la vie, un attrait puissant m’attache à ces études. Dans l’histoire.des lettres, je cherche surtout la civilisation, et dans l’histoire de la civilisation, je vois surtout le progrès par le christianisme. Sans doute, en un temps où les meilleurs esprits n’aperçoivent que la décadence, on est mal venu à professer la doctrine du progrès. Comment renouveler une thèse vieillie et discréditée qui avait naguère l’inconvénient du lieu commun, et qui a maintenant tout le danger d’un paradoxe ? Cette croyance généreuse, ou,