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chrétiens. Je ne m’effraye pas des chutes et des écarts qui l’interrompent ; les froides nuits qui remplacent la chaleur des jours n’empêchent pas l’été de suivre son cours et de mûrir ses fruits.

L’histoire n’a pas de spectacle plus commun que celui des générations faibles succédant aux générations fortes, des siècles destructeurs venant après les siècles fondateurs, et, quand ils ne croient faire que des ruines, préparant, sans le savoir, les premières assises d’une construction nouvelle. Quand les barbares renversaient les temples de la vieille Rome, ils ne faisaient que dégager les marbres dont la Rome des papes a bâti ses églises. Ces Goths étaient les pionniers des grands architectes du moyen âge. Voilà pourquoi je remercie Dieu de ces années inquiètes, et, au milieu des terreurs d’une société qui croit périr, de m’avoir engagé dans des études où je trouve la sécurité. J’apprends à ne pas désespérer de mon siècle, en retournant à des époques plus menaçantes, en voyant quels périls a traversés cette société chrétienne dont nous sommes les disciples, dont nous saurions être au besoin les soldats. Je ne ferme point les yeux sur les orages des temps présents ; je sais que j’y peux périr, et avec moi