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vation, mais un désordre. Tout ce qui tend à l’être tend à l’ordre. Car être c’est être un ; plus donc une chose atteint à l’unité, plus elle participe à l’être ; c’est l’œuvre de l’unité de mettre dans les composés la concorde et la convenance. Ainsi l’ordre donne l’être, le désordre le retire, et tout ce qui se désordonne tend à n’être plus. Mais la bonté de Dieu ne permet pas que les choses en viennent à ce point, et dans les créatures mêmes qui manquent leur but, il met un ordre tel qu’elles soient là où il est le plus convenable qu’elles se trouvent, jusqu’à ce que, par des efforts réguliers, elles remontent au rang d’où elles sont descendues. C’est pourquoi les âmes raisonnables, en qui le libre arbitre est très-puissant, si elles s’éloignent de Dieu, sont rangées par lui aux derniers degrés de la création où il convient qu’elles soient. En sorte qu’elles deviennent misérables par un jugement divin qui les ordonne selon leur mérite[1]. »

Voilà assurément des notions abstraites, mais un grand soulagement pour l’esprit humain, lorsqu’on sort de ce délire du manichéisme, de ces fables toutes païennes qui nous ramenaient, pour ainsi dire, à tous les rêves de la mythologie grecque, et qu’on se retrouve à la lumière d’une pure philosophie, en possession de la raison humaine. Par là le monde chrétien a établi un divorce éternel avec ces fables qui, trop

  1. De Moribus manichæorum, l. III c. II et sequ.