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Mais le paganisme avait un autre principe que l’Église ne ménagea pas, qu’elle attaqua sans relâche, et qui résista, aussi impérissable que les passions où il avait ses racines.

D’abord l’ancienne religion espéra se conserver tout entière et franchir le temps des invasions, comme Énée avait traversé l’incendie de Troie, en sauvant ses dieux. Les païens comptaient avec joie un grand nombre de païens parmi ces Goths, ces Francs, ces Lombards qui couvraient l’Occident. Le polythéisme romain, fidèle à ses maximes, tendait la main au polythéisme des barbares. Quand le Jupiter du Capitole avait admis à ses côtés les étranges divinités de l’Asie, comment aurait-il pris ombrage de Woden et de Thor, que l’on comparait à Mercure et à Vulcain ? C’étaient, disait-on, les mêmes puissances célestes honorées sous des noms différents, et les deux cultes devaient se soutenir l’un l’autre contre le Dieu jaloux des chrétiens. Aussi le flot de l’invasion sembla laisser comme un limon où les germes du paganisme se ravivèrent. Au milieu du sixième siècle, quand Rome avait passé cinquante ans au pouvoir des Goths, les idolâtres y étaient encore si hardis, qu’ils essayèrent d’ouvrir le temple de Janus et de restaurer le Palladium. Au commencement du septième siècle, saint Grégoire le Grand appelait la sollicitude des évêques de Terracine, de Corse et de Sardaigne sur les païens de leurs diocèses. Vers le même temps, les efforts de saint Romain et de saint Éloi achevaient à peine la conversion de la Neustrie ; et, au huitième siècle, l’Austrasie étant trou-