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de ces hommes inutiles, ennemis de la société humaine, comme on disait, prit un jour son bâton de voyage et s’achemina vers Rome pour y mettre fin aux combats de gladiateurs. Or, le ler janvier de l’an 404, le peuple romain, entassé sur les gradins du Colisée, célébrait le sixième consulat d’Honorius. Déjà plusieurs paires de combattants avaient ensanglanté l’arène, quand tout à coup, au milieu d’un assaut d’armes qui suspendait tous les yeux et tous les esprits, on vit paraître un moine étendant les bras et s’efforçant d’écarter les épées. À cet aspect, la foule étonnée se lève ; on demande quel téméraire ose troubler les plaisirs très-sacrés du peuple-roi. De tous côtés pleuvent les malédictions, les menaces, et bientôt les pierres. Télémaque lapidé tombe, et les combattants qu’il avait voulu séparer l’achèvent. Il fallait ce sang pour sceller l’abolition des spectacles sanglants. Le martyre du moine força l’irrésolution d’Honorius, et un édit de la même année, qui semble avoir été obéi, supprima les combats de gladiateurs. Avec eux l’idolâtrie perdait une de ses plus puissantes attaches. Le Colisée resta debout ; il l’est encore. Seulement une large brèche dans ses flancs rappelle l’assaut que le christianisme livra à la société romaine, où il ne pénétra qu’en la démantelant. Mais on bénit les ruines qu’il a faites lorsque, entrant aujourd’hui dans le vieil amphithéâtre, on ne voit plus sous ses arcades croulantes que des scènes de paix : les plantes fleurir, les oiseaux faire leurs nids et les enfants jouer innocemment au pied de la croix de bois qui s’élève au