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la paix. Ou plutôt, le christianisme seul avait pu donner aux hommes des champs le bonheur rêvé par le poëte des Géorgiques. Maintenant ils connaissaient leur félicité, ils commençaient à aimer leur pauvreté bénie de l’Évangile. Maintenant la pudeur était assise à leur foyer. Maintenant enfin, la Cause souveraine de toutes choses, la vérité ignorée des philosophes, étant manifestée à ces ignorants, ils avaient pu mettre sous leurs pieds les craintes superstitieuses, le destin inexorable et le bruit de l’avare Achéron[1].

La conquête des consciences, commencée par la controverse, s’achevait par la charité. Il ne s’agit point encore de la charité pacifique, de celle qui ne connaît pas d’ennemis, ne songeant qu’à délivrer des captifs, à bâtir des écoles et des hôpitaux, à couvrir de ses institutions le vieux monde romain, comme on couvre de bandelettes un corps brisé. Je parle de la charité militante, de celle qui attaquait le paganisme, mais avec des armes nouvelles, avec la mansuétude, le pardon et le dévouement.

Il faudrait pénétrer d’abord dans l’intérieur des familles romaines partagées entre la vieille croyance et la nouvelle. On voudrait voir comment les chrétiens sa-

  1. Virgile, Georgic., lib. II :

    O fortunatos nimium, sua si bona norint,
    Agricolas !…
    At secura quies et nescia fallere vita…
    Casta pudicitiam servat domus..
    Felix qui rerum potuit cognoscere causas,
    Atque metus omnes et inexorabile fatum
    Subjecit pedibus, strepitumque Acherontis avari !