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« Que dire de ce nombre d’enfants que les païens ne rougissent pas de donner à Jupiter ? Mais si jadis il naissait des dieux, pourquoi n’en voit-on plus naître aujourd’hui, à moins que Jupiter n’ait vieilli et Junon passé l’âge d’enfanter[1]? »

Ne nous étonnons point de cette prédication qui ne se refuse ni les images hardies, ni les tours familiers, ni le sarcasme, s’il le faut, pour achever la conquête d’un grossier auditoire. Le christianisme ne descendait au langage des ignorants qu’afin de les instruire, de réveiller la pensée chez ceux qu’on réputait incapables de penser. Il brisait les liens de la superstition, il affranchissait les âmes de ces craintes qui peuplaient la nature de divinités malfaisantes, et de ces plaisirs par lesquels l’homme se vengeait de la peur que lui faisaient ses dieux. Les plus intelligents cédaient à la parole, les plus endurcis se laissaient entraîner par l’exemple, l’eau du baptême descendait sur leurs fronts pour y sanctifier leurs sueurs. Ces pauvres gens retournaient calmes et purifiés à leurs charrues et à leurs troupeaux. Ils ne craignaient plus maintenant de rencontrer dans la profondeur des bois les Satyres et les Dryades. Cependant la terre n’était pas désenchantée pour eux. Ils y voyaient à chaque pas les vestiges du Créateur ; ils y travaillaient avec respect comme à la vigne du Père céleste. Les orgies de Bacchus ne profanaient plus ces mœurs rustiques dont Virgile avait chanté la pureté et

  1. S. Pierre Chrysologue, Serm., 5, 155 ; S. Maxime de Turin, Tractatus 4. Cf. S. Cyprien, ad Demetrianum, de idolorum vanitate.