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leurs malades sur des brancards et poussant devant eux leurs troupeaux qu’ils feront bénir ? — C’est encore l’Espagnol Prudence, qui, tout chargé d’honneurs et de longs services, consacre à Dieu les restes d’une voix harmonieuse et d’une verve inspirée. Sous un langage antique et que les auteurs des bons siècles ne désavoueraient pas, déjà l’on surprend une pensée moderne, soit que le poëte trouve l’accent de nos plus charmants noëls pour convier la terre à orner de ses fleurs le berceau du Christ ; soit que, dans l’hymne de saint Laurent, il dévoile avec une hardiesse digne de Dante les destinées chrétiennes de Rome ; soit qu’enfin, répondant à Symmaque, il termine ses invectives contre le paganisme par cette supplique à l’empereur Honorius pour l’abolition des combats de gladiateurs :

Nullus in urbe cadat, cujus sit pœna voluptas !…
Jam solis contenta feris, infamis arena
Nulla cruentatis homicidia ludat in armis[1] !

On ne sait pas assez, et nous apprendrons peut-être comment la vocation poétique du moyen âge fut soutenue par ces écrivains qui remplirent les bibliothèques, qui partagèrent avec Virgile les honneurs de l’École, et qui formèrent les imaginations les plus polies, jusqu’à ce qu’on se lassât des beautés chastes et d’une poésie où la pudeur ne trouvait pas de pages à déchirer.

L’œuvre ne serait pas complète, si parmi ces origines

  1. Prud. contr. Symmach., l. II, v. 1126 et seq.