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leurs guirlandes la belle épouse de Stilicon, Serena, qui, en haine des idoles, arracha le collier de la statue de Cybèle pour en orner son cou. Il ne craint pas d’introduire les princes chrétiens dans l’Olympe et de mettre en scène, s’entretenant familièrement avec Jupiter, Théodose, le plus grand ennemi de Jupiter.

Il y a moins d’illusions, un sentiment plus juste de la différence des temps, chez un autre païen, Rutilius Numatianus, mais qui n’est plus poëte de profession, qui est homme d’État, préfet de Rome, et qui, la quittant vers l’an 418 pour aller revoir la Gaule sa patrie, dévastée par les barbares, écrit son itinéraire en vers harmonieux, où l’oreille trompée croit retrouver un écho d’Ovide. Ce qui le sauve de l’oubli et le met bien au-dessus de la foule des lettrés, c’est l’ardeur de son patriotisme, c’est le culte passionné de Rome, la dernière et la plus grande divinité du monde ancien. « Écoute-moi, dit-il, écoute-moi, reine toujours belle du monde qui t’appartient toujours, Rome admise parmi les divinités de l’Olympe. Écoute, mère des hommes et mère des dieux : quand nous prions dans tes temples, nous ne sommes pas loin du ciel. Le soleil ne tourne que pour toi, et, levé sur tes domaines, dans les mers de tes domaines il plonge son char… De tant de nations diverses tu as fait une seule patrie ; de ce qui était un monde tu as fait une cité :

Urbem fecisti quod prius orbis erat[1].
  1. Rutil. Numat. Itiner., l. I, v. 66.