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aiment toujours la paix. Les lettres aiment la guerre quand elle est civilisatrice, quand elle engage l’épée au service de l’intelligence ; quand elle met en présence, non-seulement des intérêts, mais des doctrines contraires ; quand, partagés entre ces doctrines, les esprits sont obligés de choisir, par conséquent dépenser. Les siècles de Périclès et d’Auguste sortirent de Salamine et de Pharsale ; la querelle des investitures réveilla la scolastique. Grégoire VII, voulant un clergé chaste, l’avait voulu savant. Au concile romain de 1078, il renouvela les canons qui instituaient auprès de toutes les Églises épiscopales des chaires pour l’enseignement des arts libéraux.

On vit alors qu’il n’est pas facile d’asservir un peuple, comme quelques-uns le croient, en le mettant sous la garde des prêtres. Là où l’on a mis un prêtre, à la génération suivante on trouve un théologien, à la troisième le théologien engendre le philosophe, à la quatrième le philosophe engendre le publiciste, et le publiciste engendre la liberté. Ceux qui connaissent mal le moyen âge n’y aperçoivent qu’une longue nuit, où les prêtres veillent sur des troupeaux d’esclaves. Mais un de ces prêtres calomniés s’appelait Anselme, et une pensée le tourmentait, celle de trouver la plus courte preuve de l’existence de Dieu. Il suffit de cette pensée pour faire de lui un grand métaphysicien, pour lui susciter des disciples et des contradicteurs, pour commencer les controverses qui mettront aux prises Abélard et saint Bernard, et qui pousseront les esprits