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l’émancipation des nations modernes. La France, l’Allemagne et l’Italie commençaient. Il est vrai que la division de la monarchie, poussée jusqu’à l’infini, aboutit au morcellement féodal. Les vices de la féodalité sont assez connus. Elle eut du moins l’utilité d’attacher à la terre l’homme épris de la vie errante, amoureux des hasards. Elle l’y attacha par le double lien de la propriété et de la souveraineté. La seule propriété du sol n’aurait pas retenu ce fils de barbare, qui lui préférait de beaucoup les richesses mobiles, l’or, les belles armures, les troupeaux. Mais, quand le seigneur devint à la fois propriétaire et souverain, maître du fief et de ceux qui l’habitaient, son orgueil fut touché ; il apprit à aimer sa terre et ses hommes, à les défendre, à combattre pour eux. L’habitude de tirer ainsi l’épée pour autrui élevait les caractères. L’Église s’en aperçut ; elle vit dans le dévouement féodal le remède aux maux de la féodalité. À cette société guerrière elle proposa un idéal héroïque, la chevalerie, qui fut le service armé de Dieu et des faibles. La féodalité divisait les hommes par le déchirement du territoire et par l’inégalité des droits. La chevalerie les unit par la fraternité des armes et par l’égalité des devoirs.

Ainsi la chrétienté grandissait et se donnait lentement une organisation qui lui permît de soutenir sa grandeur. Mais où trouver les loisirs de la pensée dans un âge de fer ? Qui se souciera de sauver les titres de l’esprit humain, quand les moines n’ont que le temps de charger sur leurs épaules les reliques des saints et de