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FEUILLES ET FLEURS D’APRÈS NATURE.

artistes du quatorzième et du quinzième siècle, nous n’y gagnerons que bien peu. Les tapis floraux, les tapisseries florales, et les sculptures florales de notre époque, fournissent des preuves suffisantes qu’on ne peut arriver, par de tels moyens, à la production d’un art ; et que plus on imite fidèlement la nature, plus on est loin d’arriver à produire une œuvre d’art.

Quoique l’ornement ne soit, proprement parlant, que l’accessoire de l’architecture, et qu’il ne doive jamais usurper la place des parties architecturales, ni les surcharger ni les déguiser, il n’en est pas moins l’âme même d’un monument d’architecture.

C’est par l’ornement d’un édifice que nous pouvons juger le mieux de la puissance créatrice que l’artiste a déployée dans la production de son œuvre. Les proportions générales d’un bâtiment peuvent être bonnes, les moulures peuvent être copiées avec plus ou moins de fidélité, des modèles reconnus les meilleurs mais ce n’est que dans le traitement de l’ornement, qu’on peut reconnaître si l’architecte est en même temps, artiste. L’ornement fait connaître les soins et le goût plus ou moins raffinés qui ont été déployés dans la construction. Mettre l’ornement à la place convenable, n’est pas chose facile ; mais faire en sorte que l’ornement ajoute à la beauté et exprime l’intention de l’ensemble de l’ouvrage, c’est encore plus difficile.

Malheureusement ce n’a été que trop la pratique de notre époque d’abandonner la décoration des parties architecturales, et plus spécialement de l’intérieur des bâtiments, aux mains les moins capables d’en remplir la tâche.

La déplorable facilité de fabriquer l’ornement, produite par l’usage ravivé de la feuille d’acanthe, a contribué beaucoup à ce résultat, et a paralysé l’instinct créateur de l’artiste, qui a laissé aux soins d’un autre tout ce que cet autre pouvait faire sans difficulté ; abdiquant ainsi sa haute position, d’architecte, — tête et chef.

Comment, alors, arriver à satisfaire au désir universel pour le progrès, — comment, inventer ou développer un nouveau style d’ornement quelconque ? On nous dira probablement, qu’il faut d’abord inventer un nouveau style d’architecture, et que ce serait commencer à rebours que de commencer par l’ornement.

Telle n’est pas notre opinion. Nous avons dejà montrer que le désir pour les ouvrages d’ornement coexiste chez tous les peuples avec les premières tentatives dans la voie de la civilisation ; et que l’architecture adopte l’ornement, mais ne le crée pas.

L’ordre corinthien d’architecture a été suggéré, dit-on, par la vue d’une feuille d’acanthe qui, en croissant, s’était élancée autour d’un pot de terre ; mais on s’était servi de la feuille d’acanthe, comme ornement, bien longtemps auparavant, ou, du moins, on en avait suivi le principe de la croissance, dans les ornements conventionnels. Ce fut l’application particulière de cette feuille à la formation du chapiteau d’une colonne, qui amena pour résultat, la création de l’ordre corinthien.

Les principes de la foliation, et même la forme générale des feuilles, qui prédominent dans l’architecture du treizième siècle, existaient longtemps auparavant dans les manuscrits enluminés, lesquels, ayant tiré leur origine de l’Orient, ont imprimé aux ornements du style ogival un cachet presque oriental. Les architectes du treizième siècle étaient conséquemment, très familiers avec ce système d’ornementation ; et nous ne saurions douter qu’une des causes de l’adoption universelle de ce style pendant le treizième siècle, ne provînt de la grande familiarité qu’on avait eu déja de ses formes principales.

Le style floral en imitation directe de la nature, qui suivit, avait aussi été précédé par le même genre de style dans les ouvrages d’ornement. La facilité de peindre sur un missel des fleurs en imitation directe de la nature, amena la tentative d’en exécuter en pierre, sur les édifices de l’époque.

L’ornement architectural du temps d’Élisabeth est, pour la plupart, la reproduction des ouvrages

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