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ORNEMENTS CELTIQUES.

nous possédons de cette époque. St. Gregoire avait envoyé en Angleterre plusieurs Bibles dont on conserve actuellement deux exemplaires : l’un à la bibliothèque Bodléïenne d’Oxford et l’autre à la bibliothèque du Collège Corpus Christi, Cambridge. Ces deux exemplaires venus d’Italie, sont écrits en lettres onciales et arrondies, si usuelles dans ce pays-là, et on n’y voit aucun ornement ; l’initiale de chaque évangile se distingue à peine de l’écriture du texte, seulement la première ligne, ou quelquefois les deux premières lignes, sont écrites en encre rouge, et chaque évangile a en tête le portrait de l’évangeliste, (dont on n’a conservé du reste que celui de St. Luc), assis sous un arc arrondi qui repose sur deux colonnes de marbre, et qui est décoré de feuillage arrangé d’une manière classique. Les plus anciens manuscrits italiens sont tous dépourvus d’ornements élaborés.

Le cas est totalement différent à l’égard des anciens manuscrits qu’on sait avoir été écrits dans les îles Britanniques. Ce sont ces manuscrits sur lesquels nous basons principalement la théorie de l’origine indépendante de l’ornement celtique ; aussi avons nous cru devoir donner quelques détails paléographiques, pour prouver leur antiquité vénérable, d’autant plus qu’on nous oppose constamment des doutes quant à l’âge supposé de ces documents précieux. Il est vrai qu’ils ne portent pas de date, mais quelques-uns d’entr’eux contiennent le nom du scribe, que nous sommes parvenus à identifier dans les premières annales, ce qui nous a permis de fixer la période à laquelle le volume a été exécuté. C’est ainsi qu’on a pu tracer avec certitude, à une période qui ne descend pas plus bas que le neuvième siècle, l’origine des évangiles autographes de St. Columba ; du Leabhar Dhimma, ou évangiles de St. Dimma Mac Nathi ; des évangiles Bodléïens, écrits par Mac Regol et du livre d’Armagh. Un autre témoignage qui fournit la preuve de la date reculée de ces volumes, se trouve dans la collection sans pareille de chartes anglo-saxonnes de cette époque, qu’on trouve au musée Britannique et dans d’autres bibliothèques, chartes qui datent à partir de la seconde moitié du septième siècle jusqu’à la conquête normande ; et quoique ces chartes, comme Astle le remarque, " soient écrites généralement d’une main plus déliée et plus cursive que les livres de la même époque, on n’en voit pas moins la ressemblance, entre les caractères des chartes et ceux des livres, laquelle sert ainsi à établir mutuellement leur authenticité." Il est impossible de comparer, par exemple, le manuscrit Cottonien Vespasian, A 1, connu généralement sous le nom de psautier de St. Augustin, avec les chartes de Sebbi, roi des Saxons de l’Est, 670 (Casley, Catal. of MSS. p. xxiv.), ou avec celles de Lothaire, roi de Kent, 679 ; ou bien encore la charte d’Aethelbald, datée de 769, avec les évangiles de Mac Regol ou de St. Chad ; sans être parfaitement convaincu que les manuscrits sont de la même époque que les chartes.

Une troisième preuve de la grande antiquité de nos premiers manuscrits est fournie par le fait, qu’on en conserve encore un grand nombre dans différents endroits à l’étranger, où ils avaient été portés par les missionnaires irlandais et anglo-saxons. L’histoire fait mention des nombreux établissements monastiques que nos compatriotes ont établis dans différentes parties de l’Europe ; et nous ne citerons que le moine St. Gall, irlandais, qui a donné son nom, non seulement à l’établissement monastique qu’il avait fondé, mais même au canton de Suisse où le monastère est situé. Parmi les livres monastiques de cet établissement, transférés depuis à la bibliothèque publique, se trouvent quelques-uns des manuscrits les plus anciens de l’Europe, et un grand nombre de fragments de volumes soigneusement ornés et exécutés dans les îles Britanniques, que l’on vénère comme reliques du fondateur. De la même manière on conserve à Fulda, les évangiles de St. Boniface. Les évangiles de St. Kilian, (irlandais), l’apôtre de la Franconie, qu’on a trouvés dans sa tombe, teints de son sang se conservent à Wurtzbourg, où on les expose sur l’autel tous les ans à l’anniversaire de son martyre.

Or, tous les manuscrits, dont on a la preuve qu’ils ont été écrits dans les îles Britanniques à une époque antérieure à la fin du neuvième siècle, trahissent dans leur ornementation un cachet particulier, qui diffère totalement de celui qui appartient à ceux des autres pays, si nous exceptons tels endroits où les missionnaires irlandais ou anglo-saxons ont pu introduire leur style, ou modifier ceux qui y existaient

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