Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/825

Cette page n’a pas encore été corrigée

ce nom, cette préoccupation de l’amitié eût peut-être excité tes plaintes. Et pourtant, lorsque d’autres amis n’y voient aucun danger, pourquoi seul demandes-tu que je ne te nomme pas dans mes vers. Si tu ignores combien César met de clémence jusque dans son ressentiment, c’est moi qui te l’apprendrai. Forcé d’être le propre juge du châtiment que je méritais, je n’aurais pu rien ôter à celui qui m’est infligé. César ne défend à personne de se rappeler un ami, il me permet de t’écrire comme il te le permet à toi-même. Ce ne serait pas un crime pour toi de consoler un ami, d’adoucir par de tendres paroles la rigueur de sa destinée. Pourquoi, redoutant des périls chimériques, évoquer, à force de les craindre, la haine sur d’augustes divinités ? Nous avons vu plus d’une fois des hommes frappés de la foudre se ranimer et revivre, sans que Jupiter s’y opposât. Neptune, après avoir mis en pièces le vaisseau d’Ulysse, ne défendit point à Leucothoé de secourir le héros naufragé. Crois-moi, les dieux immortels ont pitié des malheureux. Leur vengeance ne poursuit point sans relâche. Or, il n’est point de divinité plus clémente qu’Auguste, lequel tempère sa puissance par sa justice. Il vient d’élever à celle-ci un temple de marbre, mais depuis longtemps elle en avait un dans son cœur. Jupiter lance inconsidérément ses foudres sur plus d’un mortel, et ceux qu’elles atteignent ne sont pas tous également coupables. De tous les infortunés précipités par le roi des mers dans les flots impitoyables, combien peu ont mérité d’y être engloutis ! Quand les plus braves guerriers périssent dans les combats, Mars lui-même, je l’en atteste, est souvent injuste dans le choix de ses victimes. Mais si tu veux interroger chacun de nous, chacun avouera qu’il a mérité sa peine ; je dirai plus : il n’est plus de retour possible à la vie pour les victimes du naufrage, de la guerre, et de la foudre : et César a accordé le soulagement de leurs peines ou fait grâce entière à plusieurs d’entre nous. Puisse-t-il, je l’en conjure, m’admettre dans le nombre de ces derniers ! Quand nous vivons sous le sceptre d’un tel prince, tu crois t’exposer en entretenant des rapports avec un proscrit ? Je te permettrais de pareils scrupules sous la domination d’un Busiris ou du monstre qui brûlait des hommes dans un taureau d’airain. Cesse de calomnier, par tes vaines terreurs, une âme compatissante. Pourquoi craindre, au milieu d’une mer tranquille, les perfides écueils ? Peu s’en faut que je ne m’estime moi-même inexcusable pour t’avoir écrit le premier sans signer mon nom, mais la frayeur et l’étonnement m’avaient ôté l’usage de ma raison, et, dans ma nouvelle disgrâce, je ne pouvais prendre conseil de mon jugement. Redoutant ma mauvaise