Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/820

Cette page n’a pas encore été corrigée

César, ton neveu, puisque Énée est ton frère, gouverne l’empire, et tienne soumis à son sceptre tout l’univers ! Fais en sorte que sa colère ne soit pas implacable, et que j’aille, s’il le veut bien, expier ma faute dans un lieu moins affreux ! " C’est ainsi qu’il me semblait parler à l’enfant ailé, et voilà la réponse que je crus entendre : "Je jure par mon flambeau et par mes flèches, par ces armes également redoutables, par ma mère, par la tête sacrée de César, que tes leçons ne m’ont rien appris d’illicite, et que, dans ton Art d’aimer, il n’est rien de coupable. Plût au ciel que tu justifiasses aussi bien tout le reste ! Mais une autre chose, tu le sais, te nuisit bien davantage. Quel que soit ce grief (car c’est une blessure que je ne veux pas rouvrir), tu ne peux te dire innocent. Quand je donnerais à ta faute le nom spécieux d’erreur, la colère de ton juge n’alla pas au-delà de ce que tu méritais. Cependant, pour te voir et te consoler dans ton accablement, j’ai fatigué mes ailes à franchir d’incommensurables espaces. J’ai visité ces lieux pour la première fois lorsque, à la prière de ma mère, la vierge du Phase fut percée de mes traits ; si je les revois aujourd’hui, après tant de siècles, c’est pour toi, le soldat le plus cher de toute ma milice. Sois donc rassuré. Le courroux de César s’apaisera. Tes vœux ardents seront satisfaits, et tu verras briller un jour plus heureux. Ne crains pas les retards ; l’instant que nous désirons approche. Le triomphe de Tibère a répandu la joie dans tous les cœurs. Quand la famille d’Auguste, ses fils et Livie leur mère, sont dans l’allégresse, quand toi-même, père de la patrie et du jeune triomphateur, tu t’associes à cette allégresse, quand le peuple te félicite, et que, dans toute la ville, l’encens brûle sur les autels, quand le temple le plus vénéré offre un accès facile, espérons que nos prières ne resteront pas sans pouvoirs." Il dit, et le dieu s’évanouit dans les airs ou moi-même je cessai de rêver. Si je doutais, Maxime, que tu approuvasses ces paroles, j’aimerais mieux croire que les cygnes sont de la couleur de Memnon. Mais le lait ne devient jamais noir comme la poix, et l’ivoire éclatant de blancheur ne se change pas en térébinthe. Ta naissance est digne de ton caractère, car tu as le noble cœur et la loyauté d’Hercule. De tels sentiments sont inaccessibles à l’envie, ce vice des lâches, qui rampe comme la vipère, et se dérobe aux regards. La noblesse même de ta naissance est effacée par l’élévation de ton âme, et ton caractère ne dément pas le nom que tu portes. Que d’autres donc persécutent les malheureux, qu’ils aiment à se faire craindre, qu’ils s’arment de traits imprégnés d’un fiel corrosif, toi, tu sors d’une famille accoutumée à venir au secours des infortunés qui l’implorent. C’est parmi ces derniers que je te prie de vouloir bien me compter.