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pôles, de contrée plus triste que celle que j’habite ; c’est quelque chose d’être près des frontières de sa patrie, je suis relégué à l’extrémité de la terre, aux bornes du monde. César, tes conquêtes assurent la paix aux exilés, le Pont est sans cesse exposé aux attaques de voisins armés contre lui ; il est doux d’employer son temps à la culture des champs, ici un ennemi barbare ne nous permet pas de labourer la terre ; l’esprit et le corps se retrempent sous une température salutaire, un froid éternel glace les rivages de la Sarmatie ; boire une eau douce est un plaisir qui ne trouve pas d’envieux, ici je ne bois que d’une eau marécageuse mêlée à l’eau salée de la mer. Tout me manque, et cependant mon courage se montre supérieur à tant de privations, et même il réveille mes forces physiques : pour soutenir un fardeau, il faut se raidir énergiquement contre sa pesanteur ; mais il tombera, pour peu que les nerfs fléchissent. Ainsi, l’espérance de voir avec le temps s’adoucir la colère du prince soutient mon courage et m’aide à supporter la vie. Et vous, amis, maintenant si peu nombreux, mais d’une fidélité à l’épreuve de mes malheurs, vous me donnez des consolations qui ont aussi leur prix. Continue, ô Atticus, je t’en fais la prière ; n’abandonne pas mon navire à la merci des flots, et sois à la fois le défenseur de ma personne et celui de ton propre jugement.


LETTRE VIII

À MAXIME COTTA

Les deux Césars[1], ces dieux dont tu viens de m’envoyer les images, Cotta, m’ont été rendus ; et, pour compléter comme il convenait ce précieux cadeau, tu as joint Livie aux Césars. Heureux argent, plus heureux que tout l’or du monde ! métal informe naguère, il est un dieu maintenant ! Tu ne m’eus pas donné plus en m’offrant des trésors, qu’en m’envoyant ici ces trois divinités. C’est quelque chose de voir des dieux, de croire à leur présence, de les entretenir comme s’ils étaient là en effet. Quel don inestimable que des dieux ! Non, je ne suis plus relégué au bout du monde, et, comme jadis, citoyen de Rome, j’y vis en toute sécurité. Je vois l’image des Césars, comme je les voyais alors ; mes espérances, mes vœux osaient à peine aller jusque-là. La divinité que je saluais, je la salue encore ! non, tu n’as rien à m’offrir de plus grand à mon retour ! Que me manque-t-il de César, si ce n’est de voir son palais ? mais, sans César, ce palais ne serait rien[2]. Pour moi, quand je contemple César, il me semble que je vois Rome, car il porte dans ses traits toute la majesté de sa patrie. Est-ce une erreur ou ce portrait n’est-il pas l’expression d’un visage irrité ? N’y a-t-il pas dans ce regard quelque chose de menaçant ? Pardonne,

  1. Les portraits d’Auguste et de César.
  2. Le palais de César.