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Que le crédit que tu dois à l’amitié d’un prince immortel se déploie pour ma fortune abattue, que cette éloquence particulière à tous les membres de ta famille, et dont tu prêtais le secours aux accusés tremblants, se révèle encore en ma faveur, car la voix éloquente de votre père revit dans son fils. C’est un bien qui a trouvé un digne héritier.

Je ne l’implore point ici pour qu’elle cherche à me justifier ; l’accusé qui avoue sa faute ne doit pas être défendu. Considère cependant si tu peux pallier cette faute du nom d’erreur ou s’il conviendrait mieux de ne pas aborder une semblable question. Ma blessure est de celles qu’il est, selon moi, imprudent de toucher, puisqu’elle est incurable. Arrête-toi, ma langue, tu ne dois pas en dire davantage : que ne puis-je ensevelir avec mes cendres ce lugubre souvenir ! Ainsi donc, parle de moi comme si je n’avais pas été le jouet d’une erreur, afin que je puisse jouir de la vie telle que César me l’a laissée. Quand tu lui verras un visage serein, quand il aura déridé ce front sévère qui ébranle le monde et l’empire, demande-lui alors qu’il ne permette pas que moi, faible victime, je devienne la proie des Gètes, et qu’il accorde à mon exil un plus doux climat.

Le moment est propice pour solliciter des grâces. Heureux lui-même, Auguste voit s’accroître, ô Rome, la grandeur de la puissance qu’il t’a faite. Sa femme, respectée par la maladie, garde la chasteté dans sa couche, et son fils recule les bornes de l’empire de l’Ausonie. Germanicus lui-même devance les années par son courage ; le bras de Drusus est aussi redoutable que son cœur est plein de noblesse ; ses brus aussi, ses tendres petites-filles, les enfants de ses petits-fils, enfin tous les membres de la famille d’Auguste sont dans l’état le plus florissant. Ajoute à cela les dernières victoires sur les Péoniens, les bras des Dalmates condamnés au repos dans leurs montagnes, et enfin l’Illyrie, qui, après avoir déposé les armes, s’est glorifiée de porter sur son front l’empreinte du pied de César. Lui-même, remarquable par la sérénité de son visage, paraissait sur son char, la tête couronnée de laurier. Avec vous marchaient à sa suite des fils pieux[1], dignes d’un tel père et des honneurs qu’ils en ont reçus[2], semblables à ces frères[3] dont le divin Iule aperçoit le temple du haut de sa demeure sacrée qui l’avoisine. Messalinus ne disconviendra pas que la première place, au milieu de l’allégresse générale, ne leur appartienne, à eux, devant qui tout doit céder ; après eux, il n’est personne à qui Messalinus ne le dispute en dévouement. Non, sur ce point, tu ne le céderas à personne ; celui qui récompensa ton mérite avant l’âge ceignit ton front de lauriers bien acquis[4]. Heureux ceux qui ont pu assister à ces triomphes, et jouir de la vue d’un prince qui porte sur ses traits la majesté

  1. Tibère était accompagné de Drusus, son fils, et de Germanicus César, son neveu, qu’il avait adopté.
  2. Les petits-fils d’Auguste avaient reçu le nom de César.
  3. Sans doute Castor et Pollux.
  4. Messalinus, un des lieutenants de Tibère, dans la guerre d’lllyrie, partageait avec lui les honneurs du triomphe.