Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/796

Cette page n’a pas encore été corrigée

du Pont-Euxin, Ovide, t’envoie, ô Messalinus, du pays des Gètes indomptés, les hommages qu’il avait coutume de t’offrir lui-même lorsqu’il était à Rome. Malheur à moi si, à la vue de mon nom, tu changes de visage ! si tu hésites à lire cette lettre jusqu’au bout. Lis-la donc tout entière ; ne proscris pas mes paroles, comme je suis proscrit moi-même, et que Rome ne soit pas interdite à mes vers. Je n’ai jamais eu la pensée d’entasser Pélion sur Ossa, ni l’espoir de toucher de ma main les astres éclatants. Je n’ai point suivi la bannière insensée d’Encelade, ni déclaré la guerre aux dieux maîtres du monde, et, semblable à l’audacieux Diomède, je n’ai point lancé mes traits contre une divinité. Ma faute est grave, sans doute, mais elle n’a osé compromettre que moi seul, et c’est le plus grand mal qu’elle ait fait ! On ne peut m’accuser que d’imprudence et de témérité, seuls reproches légitimes que j’aie mérités. Mais, je l’avoue, après la juste indignation d’Auguste, tu as le droit de te montrer difficile à mes prières. Telle est ta vénération pour tout ce qui porte le nom de Iule, que tu regardes comme personnelles les offenses dont il est le but. Mais en vain tu serais armé et prêt à porter les coups les plus terribles, que tu ne parviendrais point à te faire craindre de moi. Un vaisseau troyen reçut le Grec Achéménide, et la lance d’Achille guérit le roi de Mysie. Souvent le mortel sacrilège vient chercher un refuge au pied de ces autels qu’il a profanés, et ne craint pas d’implorer l’assistance de la divinité qu’il a outragée. Cette confiance, dira-t-on, n’est pas sans danger ; j’en conviens, mais mon vaisseau ne vogue pas sur des eaux paisibles. Que d’autres songent à leur sûreté : l’extrême misère est aussi un gage de sûreté, car elle ne redoute rien de pire qu’elle-même. Quand on est entraîné par le destin, de qui si ce n’est du destin doit-on attendre du secours ? Souvent la rude épine produit la douce rose. Emporté par la vague écumante, le naufragé tend ses bras vers les récifs ; il s’attache aux ronces et aux rochers aigus. Fuyant l’épervier d’une aile tremblante, l’oiseau fatigué se réfugie dans le sein de l’homme, et la biche effrayée, poursuivie par la meute qui s’acharne après elle, n’hésite point à venir chercher un asile dans la maison voisine. Ô toi, Messalinus, si accessible à la pitié, laisse-toi, je t’en conjure, laisse-toi toucher par mes larmes, que ta porte ne reste pas obstinément fermée à ma timide voix. Dépose avec bonté mes prières aux pieds des divinités de Rome, de ces dieux que tu n’honores pas moins que le dieu du Capitole, que le dieu du tonnerre. Sois le mandataire, le défenseur de ma cause, quoique toute cause plaidée en mon nom soit une cause perdue. Déjà un pied dans la tombe, déjà glacé par le froid de la mort, si je puis être sauvé, je le serai par toi.