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militaires, qu’il accompagnait d’éloges passionnés ; brûler l’encens sur les saints autels, avant de revêtir la robe brodée, éclatants insignes du triomphateur, et apaiser par cet acte religieux la Justice, à qui son père éleva des autels, et qui a toujours un temple dans son cœur. Partout où il passait, des applaudissements et des vœux de bonheur accueillaient sa présence ; et les roses jonchaient les chemins auxquels elles donnaient leur couleur. On portait devant lui les images, en argent, des villes barbares, avec leurs murailles renversées, et leurs habitants subjugués ; puis encore des fleuves, des montagnes, des prairies entourées de hautes forêts, des glaives et des traits groupés en trophées. Le char de triomphe étincelait d’or, et le soleil, y reflétant ses rayons, donnait la teinte de ce métal aux maisons qui avoisinent le forum. Les chefs captifs et le cou enchaîné étaient si nombreux qu’on en aurait, pour ainsi dire, composé une armée. La plupart d’entre eux obtinrent leur pardon et la vie, et de ce nombre fut Bato, l’âme et l’instigateur de cette guerre. Lorsque les dieux sont si cléments envers des ennemis, pourquoi ne pourrais-je espérer qu’ils s’apaiseront en ma faveur ? La même renommée, Germanicus, a aussi publié, jusque dans ces climats, que des villes avaient été vues à ce triomphe, inscrites sous ton nom, et que l’épaisseur de leurs murs, la force de leurs armes, leur situation avantageuse, n’avaient pu les protéger contre toi. Que les dieux te donnent les années ! le reste, tu le trouveras en toi-même, pourvu qu’une longue carrière aide au développement de ta vertu. Mes vœux seront accomplis : les oracles des poètes ont quelque valeur, car un dieu a répondu à mes vœux par des présages favorables. Rome, ivre de bonheur, te verra aussi monter vainqueur au Capitole sur un char traîné par des chevaux couronnés, et, témoin des honneurs prématurés de son jeune fils, ton père éprouvera à son tour cette joie qu’il donna lui-même aux auteurs de ses jours. Jeune homme, déjà le plus illustre de tous, soit dans la paix, soit dans la guerre, n’oublie pas ce que je te prédis dès aujourd’hui. Peut-être ma muse chantera-t-elle un jour ce triomphe, si toutefois ma vie résiste aux souffrances qui m’accablent ; si, auparavant, je n’abreuve pas de mon sang la flèche d’un Scythe, et si ma tête ne tombe pas sous le glaive d’un Gète farouche. Que je vive assez pour voir le jour où tu recevras dans nos temples une couronne de lauriers, et tu diras que deux fois mes prédictions se sont vérifiées.


LETTRE II

À MESSALINUS

Cet ami qui, dès son jeune âge, honora ta famille, aujourd’hui exilé sur les tristes bords