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seulement que ta maison me fut jadis ouverte, et mon orgueil sera satisfait, quand il n’y aurait pas eu d’autres rapports entre nous. Cependant les hommages dont tu es l’objet aujourd’hui comptent un organe de moins qu’autrefois. Ton père lui-même n’a pas désavoué mon amitié, lui qui m’encouragea dans mes études, qui fut ma lumière et mon guide, à qui j’ai offert à sa mort, et comme un dernier honneur, mes larmes et des vers qui furent récités dans le forum. Je sais aussi que ton frère me porte une amitié aussi vive que celle des fils d’Atrée et des fils de Tyndare. Lui aussi n’avait pas dédaigné de me choisir pour son compagnon, pour son ami, et tu ne crois pas, j’imagine, que cet aveu puisse lui faire du tort ; autrement, je consens à reconnaître que, sur ce point là encore, je n’ai pas dit la vérité, dût votre maison entière m’être à jamais fermée ! Mais il n’en sera point ainsi. Car enfin il n’est pas de puissance humaine capable d’empêcher qu’un ami ne s’égare quelquefois. Cependant, comme personne n’ignore que je ne fus jamais criminel, ainsi puisse-t-il être reconnu que je n’ai pas même été coupable ! Si la faute était tout à fait inexcusable, l’exil serait pour moi une peine trop légère, mais celui à qui rien n’échappe, César, a bien vu lui-même que mon crime n’était en effet qu’une imprudence. Aussi m’a-t-il épargné, autant que ma conduite le lui permettait, autant que mon erreur lui en laissait la faculté.

Il s’est servi avec modération des feux de sa foudre. Il ne m’a ôté ni la vie, ni les biens, ni l’espérance du retour, si vos prières parviennent un jour à désarmer sa colère. Mais ma chute a été terrible, et qu’y a-t-il d’étonnant ? l’homme frappé par Jupiter n’en reçoit pas de médiocres blessures. Achille voulait en vain comprimer ses forces, les coups de sa lance étaient désastreux. Ainsi, la sentence même de mon juge m’étant favorable, il n’y a pas de raison pour que ta porte refuse aujourd’hui de me reconnaître. Mes hommages, je l’avoue, n’ont pas été aussi assidus qu’ils devaient l’être, mais cela, sans doute, était encore un effet de ma destinée. Il n’est personne cependant à qui j’aie témoigné plus de respect, et, soit chez l’un, soit chez l’autre, je sentis toujours les bienfaits de votre protection. Telle est ton affection pour ton frère, que l’ami de ce frère, en admettant même qu’il ait négligé de te rendre hommage, a sur toi quelques droits. De plus, si la reconnaissance doit toujours suivre les bienfaits, n’est-il pas dans ta destinée de la mériter encore ? Si tu me permets de te dire ce que tu dois désirer, demande aux dieux de donner plutôt que de vendre. C’est ce que tu fais, et autant qu’il m’en souvient, tu avais la noble coutume d’obliger le plus que tu pouvais. Donne-moi, Messalinus, donne-moi une place, quelle qu’elle soit, dans ta maison, pourvu que je n’y paraisse point comme un intrus, et, si tu