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sur la croix fait encore des vœux. Elle empêcha bien des malheureux qui déjà s’étaient passé au cou le lacet fatal de consommer le suicide qu’ils avaient prémédité. Elle m’arrêta moi-même lorsque je tenais le glaive, prêt à finir mes souffrances. Elle suspendit mon bras déjà levé. "Que fais-tu ? me dit-elle, il faut des larmes, et non du sang. Les larmes apaisent souvent la colère du prince." Aussi, quoique j’en sois indigne, j’espère encore dans la clémence du dieu que j’implore. Supplie-le, Graecinus, de n’être plus inexorable, et, par tes prières éloquentes, aide à l’accomplissement de mes vœux. Puissé-je être enseveli dans les sables de Tomes, si je doute jamais de la sincérité de ceux que toi-même tu formes pour moi ! Les colombes commenceront à s’éloigner des tours, les bêtes fauves de leurs antres, les troupeaux de leurs pâturages et les plongeons des eaux, avant que Graecinus abandonne la cause d’un ancien ami. Non, il n’est pas dans ma destinée que tout soit changé à ce point !


LETTRE VII

À MESSALLINUS

Cette lettre, Messalinus, est l’expression des vœux que je t’adresse du pays des Gètes, et que je t’adressais autrefois de vive voix. Reconnais-tu, au lieu d’où elle vient, celui qui l’a écrite ? ou bien faut-il que tu lises le nom de l’auteur, pour savoir enfin que ces caractères ont été tracés par la main d’Ovide ? Quel autre de tes amis se trouve ainsi relégué aux bornes de l’univers, si ce n’est moi, moi qui te conjure de me regarder toujours comme des tiens ? Fassent les dieux que ceux qui t’aiment et qui t’honorent ne connaissent jamais ce pays ! C’est bien assez que moi seul j’y vive au milieu des glaces et des flèches des Scythes, si toutefois on peut appeler vie ce qui est une espèce de mort. Que cette terre réserve pour moi seul les périls de la guerre, le ciel, sa température glaciale, le Gète, ses armes menaçantes, et l’hiver ses frimas, que j’habite une contrée qui ne produit ni fruit ni raisin, une contrée où l’ennemi ne cesse de nous inquiéter de toutes parts, pourvu que le reste de mes nombreux amis, parmi lesquels j’occupais, comme dans la foule, une petite place, soient à l’abri de tout danger. Malheur à moi si mes paroles t’offensent, si tu nies que j’aie jamais possédé le titre que je réclame ! Cela fût-il, tu devrais me pardonner ce mensonge, car ce titre, dont je me glorifie, n’ôte rien à ta renommée. Qui ne prétend être l’ami des Césars, uniquement parce qu’il les connaît ? Aie la même indulgence, après mon aveu, et, pour moi, tu seras César. Cependant, je ne force pas l’entrée des lieux qui me sont interdits. Conviens