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que tu vas implorer, mais un prince lent à punir, prompt à récompenser, qui gémit chaque fois qu’il est obligé d’user de rigueur, qui ne vainquit jamais qu’afin de pouvoir pardonner aux vaincus, qui ferma pour toujours les portes de la guerre civile, qui réprima les fautes plutôt par la crainte du châtiment que par le châtiment lui-même, et dont la main, peu prodigue de vengeances, ne lance qu’à regret la foudre. Toi donc, que je charge de plaider ma cause devant un juge si clément, demande-lui qu’il rapproche de ma patrie le lieu de mon exil. Je suis cet ami fidèle qui venait, aux jours de fête, s’asseoir à ta table, parmi tes convives, qui chanta ton hymen devant les torches nuptiales, et le célébra par des vers dignes de ta couche fortunée, dont tu avais, il m’en souvient, l’habitude de louer les écrits, excepté, toutefois, ceux qui furent si funestes à leur auteur, que tu prenais quelquefois pour juge des tiens, et qui les admirait ; je suis, enfin, celui qui épousa une femme de ta famille. Cette femme, Marcia[1] en l’ait l’éloge ; elle l’a aimée dès sa plus tendre enfance, et l’a toujours comptée au nombre de ses compagnes. Auparavant, elle avait joui du même privilège près d’une tante maternelle de César[2] ; la femme, ainsi jugée par de pareilles femmes, est vraiment vertueuse ; Claudia elle-même, qui valait mieux que sa réputation, louée par elles, n’eût pas eu besoin du secours des dieux.

Et moi aussi j’avais passé dans l’innocence mes premières années ; les dernières seules demandent qu’on les oublie. Mais ne parlons pas de moi : ma femme doit faire toute ta sollicitude, et tu ne peux, sans manquer à l’honneur, la lui refuser ; elle a recours à toi ; elle embrasse les autels, car il est bien juste de se recommander aux dieux qu’on a toujours honorés ; elle te conjure, en pleurant, d’intercéder pour son époux, de fléchir César, et d’obtenir de lui que mes cendres reposent près d’elle.


LETTRE III

À RUFIN

Rufin, Ovide ton ami, si toutefois un malheureux peut-être l’ami de quelqu’un, Ovide te salue. Les consolations que j’ai reçues de toi dernièrement, au milieu de mes chagrins, ont ranimé mon courage et mon espérance. De même que le héros, fils de Péan, sentit, après que Machaon l’eut guéri de sa blessure, la puissance de la médecine, ainsi moi dont l’âme était abattue, qui souffrais d’une blessure mortelle, j’ai recouvré quelques forces en lisant tes conseils. J’allais mourir, et tes paroles m’ont rendu à la vie, comme le vin rend au pouls le mouvement. Toutefois, malgré ton éloquence, je ne me sens point assez complètement raffermi

  1. Marcia était la femme de Maximus. Voy. Tac. Ann., liv. 1, ch. 5.
  2. Auguste était fils d’Accia ; la sœur d’Accia est la tante d’Auguste, dont parle ici le poète.