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haut de la citadelle, lancez au milieu des ennemis les secours que vous tenez le plus à ne point perdre." Les chefs se réveillent, tourmentés du sens obscur de cet oracle extraordinaire; ils se demandent quel est donc ce secours [6, 390] qu'ils ne voudraient point perdre, et qu'on leur ordonne de sacrifier. Ne serait-ce point les dons de Cérès? Et ils jettent aussitôt les dons de Cérès, qui vont tomber avec bruit sur les casques et les longs boucliers, L'ennemi perd tout espoir de triompher par la famine; il se retire, et, un autel, éclatant de blancheur, est consacré à Jupiter Pistor (boulanger).

[6, 395] Je revenais, un jour des fêtes de Vesta, par l'endroit où la voie nouvelle se joint maintenant au Forum romain; là je vis une matrone descendre pieds nus; surpris, je m'arrêtai, gardant le silence; une vieille du voisinage s'aperçoit de mon étonnement; elle me prie de m'asseoir, [6, 400] et, tout en branlant la tête, elle me parle ainsi, d'une voix cassée: "Sur l'emplacement du Forum actuel s'étendaient autrefois d'humides marais. C'était un lac où le fleuve débordé venait verser ses eaux; il portait le nom de Curtius; c'est aujourd'hui un terrain solide où les autels reposent à sec; mais c'était un lac autrefois. [6, 405] Dans le Vélabre, par où se rend au Cirque le cortège des jeux, il n'y avait que des saules et de souples roseaux. Souvent on entendait ceux qui revenaient de quelque festin chanter en traversant ces ondes voisines de la ville, et lancer aux matelots les propos de l'ivresse. Le dieu Vertumne n'avait pas reçu encore, pour avoir détourné le cours du fleuve, [6, 410] ce nom qui exprime si bien ses formes changeantes. Là aussi étaient un bois rempli de joncs et de roseaux, et un marécage qu'on ne pouvait aborder sans ôter sa chaussure. Les eaux stagnantes se sont retirées, le fleuve est contenu par ses rives, le sol est à sec, mais le vieil usage s'est conservé." [6, 415] Ma curiosité était satisfaite. "Adieu, lui dis-je, ô bonne vieille; puisse s'écouler doucement ce qui te reste de jour!"

Ce que je vais ajouter, je le sais depuis mon enfance, Pourtant je ne veux point l'omettre ici. Ilus, le petit-fils de Dardanus, venait de construire de nouveaux remparts; [6, 420] l'Asie reconnaissait encore en lui un puissant souverain. On croit que, du haut des cieux, une image de la belliqueuse Pallas descendit sur les collines de la ville d'Ilion. Je voulus m'en assurer par mes yeux; je vis le temple, et le lieu où s'élevait la statue; mais c'est tout ce qu'Ilion en a gardé; c'est Rome qui possède Pallas. [6, 425] On avait consulté Apollon Sminthien; caché au fond d'un bois épais, sa voix véridique avait fait entendre cet oracle: "Conservez la déesse venue des cieux, et vous conserverez votre ville; si elle est transférée dans un autre séjour, l'empire la suivra." Ilus veille sur ce trésor; il le dépose et l'enferme au haut de la citadelle; [6, 430] le