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dieux par quelque offense, [5, 300] apaisés par une victime, on les a vus souvent oublier le délit. Souvent j'ai vu Jupiter, prêt à lancer la foudre, retenir son bras, désarmé par un peu d'encens. Mais sommes-nous délaissés, des châtiments sévères vengent notre injure, et il n'est plus de bornes à notre aveugle courroux. [5, 305] Vois Méléagre, le petit-fils de Thestius; quoique absent, la flamme fatale le consume, parce qu'on a laissé éteindre le feu sacré sur l'autel de Phébé. Vois le petit-fils de Tantale: la même déesse retient ses vaisseaux immobiles au rivage; c'est une vierge, et deux fois pourtant elle venge l'affront fait à ses autels. Malheureux Hippolyte! quand tes chevaux, emportés par la frayeur, déchiraient ton corps, [5, 310] n'as-tu pas regretté de n'avoir pas sacrifié à Dioné? Il serait trop long de rappeler ici quelles peines ont suivi d'autres négligences encore. Moi aussi je fus oubliée par le sénat romain; comment faire éclater mon ressentiment? Quelle vengeance tirer de mon injure? [5, 315] Dans ma tristesse, les soins de mon empire cessèrent de me toucher; je ne veillai plus sur les campagnes, je ne m'intéressai plus aux fertiles jardins. Alors tu aurais vu les lis tomber, les violettes se flétrir, et la tige du safran pourpré s'incliner languissante. Souvent Zéphire me dit: "Ne détruis pas ainsi [5, 320] toi-même les présents de l'hyménée"; ces présents n'avaient plus de prix pour moi. Les oliviers fleurissaient, des vents cruels les dévastent; les moissons fleurissaient, la grêle détruit les trésors de Cérès; la vigne donnait des espérances, l'Auster couvre le ciel d'épais nuages, et toutes les feuilles sont emportées par une pluie soudaine. [5, 325] Ce n'est pas moi qui le voulais ainsi; je ne suis pas impitoyable dans ma colère; seulement, je ne pris nul souci de conjurer ces fléaux. Le sénat s'assembla, et vota des fêtes annuelles à ma divinité si la fleur était belle cette année. J'accueillis cette promesse, [5, 330] et le consul Laenas, et son collègue Postumius célébrèrent les jeux en mon honneur."

Je voulais demander pourquoi, dans ces jeux, la licence est plus grande, et la plaisanterie plus effrontée; il me revint à l'esprit que Flore n'est pas une divinité sévère, et que ses dons servent à parer nos plaisirs. [5, 335] Les fronts se couronnent d'un tissu de fleurs; les tables splendides disparaissent sous une pluie de roses; le convive, les cheveux ceints de guirlandes que retiennent les filaments du tilleul, danse, agité par les fumées du vin, et, dans ses mouvements désordonnés, il ne suit d'autre maître que l'ivresse. L'amant, ivre aussi, chante sur le seuil inexorable de sa belle maîtresse; [5, 340] de légères couronnes se mêlent à sa chevelure parfumée. Toute affaire sérieuse est suspendue pendant que les fronts portent ces guirlandes, et l'eau limpide n'est pas le breuvage de ceux qui se couronnent de fleurs. La rose ne plaît aux yeux des convives que quand tu