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arbre sacré, si mes brebis ont brouté par mégarde l'herbe des tombeaux, si je suis entré dans un bois défendu, si ma présence a mis en fuite les nymphes ou le dieu aux pieds de chèvre; si ma serpe a dépouillé un bois sacré de quelques branches à l'ombre obscure, pour donner du feuillage frais à une brebis malade, [4, 755] pardonne-moi! Si, tandis qu'il grêlait, j'ai mis mon troupeau à l'abri sous quelque sanctuaire champêtre; si j'ai troublé les lacs, ne me punissez pas, nymphes; pardonnez-moi; oubliez que mes troupeaux ont soulevé la vase au fond de vos eaux limpides. Toi, déesse, apaise pour moi les fontaines et les dieux des fontaines; [4, 760] apaise les dieux épars dans les bois. Puissions-nous ne voir ni les Dryades, ni les bains de Diane, ni Faunus, quand, au milieu du jour, il repose à terre ses membres fatigués. Éloigne les maladies, conserve en santé les hommes et les troupeaux et la troupe prudente de nos chiens vigilants. [4, 765] Que je compte le soir autant de têtes que j'en ai compté le matin, que je ne rapporte pas, en soupirant, des toisons arrachées à la dent du loup. Préserve-nous des horreurs de la famine; qu'il y ait abondance d'herbes et de feuillages; que l'eau ne nous manque, ni pour laver le corps, ni pour calmer la soif. Que ma main presse des mamelles bien gonflées, que mon fromage me rapporte de beaux deniers; [4, 770] que le petit-lait s'écoule à travers les clayons peu serrés. Que le bélier soit ardent, que la femelle conçoive et soit féconde; que mes étables se peuplent de jeunes agneaux; que je recueille une laine douce qui ne blesse point la main des jeunes filles, et que puissent travailler les doigts tes plus délicats. [4, 775] Que nos voeux soient exaucés, et nous, chaque année, offrons de grands gâteaux à Palès, déesse des bergers."

C'est ainsi qu'il faut se rendre la déesse propice. Tourné du côté de l'orient, prononce trois fois cette prière, et plonge tes mains dans une eau vive. Alors tu peux boire dans un vase de bois, au lieu de coupe; [4, 780] tu peux boire le lait blanc comme la neige, et le vin cuit à la teinte empourprée. Ensuite fais passer rapidement tes membres vigoureux à travers les amas embrasés de la paille qui pétille.

J'ai rappelé l'usage, il me reste à en exposer les raisons, mais elles sont si nombreuses que j'hésite, et ne sais par où commencer. [4, 785] Le feu dévorant purifie tout; il sépare des métaux leurs parties grossières; c'est pour cela que les brebis et le berger s'en servent pour se purifier; ou bien, comme deux éléments contraires, le feu et l'eau sont les principes de toutes choses. Nos pères ont voulu en cette circonstance les réunir; [4, 790] ils ont jugé convenable de soumettre le corps au contact des flammes et à l'aspersion de l'eau. Est-ce à cause du rôle capital que ces deux éléments jouent dans nos moeurs? C'est le feu et l'eau qu'on interdit aux exilés; c'est avec le feu et l'eau que l'on consacre la nouvelle épouse; a-t-on voulu rappeler ainsi leur importance? Ce n'est point mon sentiment. D'autres