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comme les vents disputeront le prix de la course.

Puis, ce sont les jeux de Cérès; il n'est pas besoin d'en indiquer la cause; les présents et les bienfaits de la déesse parlent assez haut. [4, 395] Les premiers hommes ne connaissaient pas d'autres moissons que les herbes verdoyantes, dont la terre se couvrait d'elle-même et sans le secours de la culture; tantôt ils cueillaient le gazon vivace, tantôt ils se nourrissaient du tendre feuillage qui couronne les arbres. Ensuite naquit le gland; les hommes se trouvèrent heureux déjà de cette découverte, [4, 400] et le dur chêne fut pour eux un abondant trésor. Cérès, la première, invita l'homme à de meilleurs repas, lui fit quitter le gland pour une nourriture plus substantielle; elle força les taureaux à courber leur tête sous le joug, et le soleil échauffa pour la première fois le sein de la terre labourée. [4, 405] L'airain était recherché; on n'avait pas forgé encore le métal des Chalybes: plût aux dieux qu'il fût toujours resté inconnu! Cérès aime la paix: faites des voeux, ô laboureurs, pour conserver toujours et le chef qui vous gouverne, et la paix dont vous jouissez. Vous pouvez offrir à la déesse du froment, un peu de sel pétillant, [4, 410] et quelques grains d'encens; allumez des torches grasses. La bonne Cérès se contente de dons peu précieux, pourvu qu'ils soient offerts par des mains pures. Ministres déjà prêts à frapper, que vos couteaux respectent le boeuf; il doit labourer; immolez la truie paresseuse; [4, 415] la hache ne doit point abattre une tête qui sait porter le joug; laissez vivre le boeuf, et qu'il promène longtemps le soc de la charrue dans vos champs endurcis.

C'est ici le moment de raconter l'enlèvement de Proserpine, fille de Cérès; je ne ferai que répéter ce que vous savez déjà, j'ai peu de détails nouveaux à vous apprendre. Il est une île qui prolonge au sein de la mer ses trois promontoires; [4, 420] on l'appelle Trinacris, sa forme lui a fait donner ce nom. C'est un séjour agréable à Cérès, elle y possède plusieurs villes, parmi lesquelles on compte Henna aux fertiles campagnes. La froide Éthuse avait convié les mères des dieux à un festin sacré. La blonde Cérès s'y était rendue. [4, 425] Sa fille, suivie des compagnes ordinaires de ses jeux, errait, pieds nus, à travers les prairies de son domaine. Au fond d'une sombre vallée, il est un lieu où des eaux tombant du haut des rochers entretenaient l'humidité et la fraîcheur. Là brillaient toutes les couleurs qui existent dans la nature; [4, 430] la terre était émaillée de mille fleurs éclatantes. À cet aspect, Proserpine s'écrie: "Venez, mes compagnes, remplissez comme moi vos robes de fleurs." Ce butin léger charme ces jeunes filles; elles oublient la fatigue et ne sentent que le plaisir. [4, 435] L'une emplit les corbeilles tressées avec le jonc flexible; l'autre dépose les fleurs dans son sein,