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la voix encourae les robustes mains. Mais le vaisseau reste immobile comme une île au sein de la mer. Les hommes, à l'aspect de ce prodige, restent frappés de stupeur et d'effroi.

[4, 305] Claudia Quinta tirait son origine de l'antique Clausus, et sa beauté répondait à sa noble naissance. Chaste, elle ne passait pas pour telle. Un bruit calomnieux avait porté atteinte à son honneur, une accusation injuste pesait sur elle. Sa parure avait prévenu contre elle, ainsi que ses cheveux disposés en tresses élégantes, [4, 310] et ses paroles trop légères, devant des vieillards sévères: pure à ses propres yeux, elle bravait les mensonges de la renommée. Mais nous sommes tous si enclins à croire le mal! Claudia sort de la foule des irréprochables matrones; elle puise dans ses mains l'eau pure du fleuve; [4, 315] trois fois elle en arrose sa tête, trois fois elle lève les mains au ciel. Tous les spectateurs croient que sa raison s'égare; elle s'agenouille, fixe ses regards sur le visage de la déesse, et les cheveux épars, elle prononce ces mots: "Puissante Cybèle, mère féconde des dieux, [4, 320] exauce ma prière suppliante, à une condition que je vais fixer. On accuse ma chasteté. Si tu me condamnes, je m'avouerai coupable; soumise au jugement d'une déesse, je recevrai la mort; mais si je n'ai point failli, c'est à toi à manifester, par un signe éclatant, l'innocence de ma vie; chaste, tu céderas à de chastes mains." [4, 325] Elle dit, et met le navire en mouvement presque sans efforts; prodige que la scène elle-même atteste. La déesse s'avance et suit la main qui la guide; et en suivant Claudia, elle la justifie. Un cri de joie s'élève jusqu'aux cieux. On arrive au coude du fleuve; les anciens ont appelé portes du Tibre [3, 330] le lieu où il se détourne à gauche. Il était nuit; on attache la corde au tronc d'un chêne, et après le repas, on se livre aux douceurs du sommeil. Le jour paraît, on détache la corde du tronc du chêne; mais d'abord on dresse un autel et on y brûle de l'encens; [4, 335] devant la poupe couronnée, on immole une génisse sans tache, qui n'a connu ni le joug ni l'amour. Il est un lieu où l'Almon rapide se jette dans le Tibre, et quitte son nom pour prendre celui du fleuve où il disparaît. Là un prêtre en cheveux blancs, vêtu d'une robe de pourpre, [4, 340] lave dans l'Almon la déesse et les objets sacrés. Les ministres de son culte poussent des hurlements; la flûte fait entendre ces sons qui égarent les esprits; des mains efféminées frappent sur les tambours. Claudia s'avance; la joie rayonne sur son visage: la déesse vient enfin de rendre témoignage à sa chasteté.

[4, 345] Cybèle, assise sur un char, entre par la porte Capène; les génisses qui la traînent sont couvertes de fleurs nouvelles. Nasica la reçut et fut le fondateur de son temple; Auguste porte aujourd'hui le même titre, et Métellus