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même tes fautes honteuses. Sois désormais plus retenue, ou prends du moins les dehors d’une femme pudique ; et, dusses-tu ne pas l’être, que du moins je te croie vertueuse ! Ce que tu as fait, fais-le encore ; nie-le seulement, et ne rougis pas de parler en public le langage de la modestie. Il est un lieu qui sert de théâtre à la débauche ; que toutes les voluptés s’y rassemblent ; bannis-en la pudeur ; mais, dès que tu en seras sortie, que la trace de tes lascifs désirs soit effacée, et que dans ta couche seule tes crimes restent ensevelis. Là, ne rougis ni de quitter la tunique, ni d’approcher ta cuisse de celle de ton amant ; là que ta bouche vermeille reçoive une langue amoureuse ; que l’amour y invente mille plaisirs. Là point de trêve aux doux propos, aux paroles agaçantes, et que le bruit de ta couche trahisse tes lascifs transports. Reprends ensuite, avec tes vêtements, le maintien de la craintive innocence, et que ta pudeur désavoue tes obscènes écarts. Trompe le public, trompe-moi ; laisse-moi tout ignorer ; et qu’il me soit permis de jouir de ma sotte crédulité.

Pourquoi, sous mes yeux, tant de billets envoyés et reçus ? Pourquoi n’est-il pas un côté de ton lit qui ne soit foulé ? Pourquoi, sur tes épaules, tes cheveux sont-ils dans un désordre plus grand que celui où les met le sommeil ? Pourquoi ton cou porte-t-il la trace d’une dent ? Il ne te reste plus qu’à faire de mes yeux les témoins de tes débauches. Si tu dédaignes de ménager ta réputation, ménage-moi du moins. Mon âme m’abandonne, et je me sens mourir toutes les fois que tu m’avoues une faiblesse, et ce n’est plus qu’un sang glacé qui coule dans mes veines. Alors j’aime ; alors je fais de vains efforts pour haïr ce qu’il m’est impossible de ne point aimer. Alors je voudrais être mort, mais avec toi.

Je ne m’informerai de rien, je ne tenterai point de connaître ce que tu chercheras à me cacher ; il en sera comme d’une accusation reconnue fausse. Si cependant je viens à te prendre sur le fait ; si mes yeux deviennent les témoins de ta honte, ce que j’aurai trop bien vu, nie que je l’aie vu, et mes yeux auront moins d’autorité que tes paroles. II te sera facile de vaincre un ennemi qui ne demande qu’à être vaincu. Que ta langue seulement se souvienne de dire "Je ne suis pas coupable". Quand avec ces deux mots tu peux triompher, remporte ce triomphe, que tu devras, sinon à ta cause, du moins à ton juge.


ÉLÉGIE XV.

Cherche un nouveau poète, mère des tendres Amours. Je rase la dernière borne de la carrière élégiaque. Les chants que j’ai composés, moi enfant des campagnes péligniennes, ont fait mes délices et ma gloire. Si cet honneur est