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on n’arrive au lieu où elle se fait que par un chemin difficile et montueux. C’est un bois antique et sacré, que des arbres touffus rendent impénétrable ; au jour il ne faut que le regarder pour reconnaître le sanctuaire d’une divinité. Un autel reçoit les prières et l’encens votif, un autel élevé sans art par les mains de nos pères. C’est de là qu’au signal donné par les accords solennels de la flûte, le cortège de Junon part chaque année et s’avance sur des chemins couverts de tapis. Aux applaudissements de la foule, on conduit de blanches génisses nourries dans les gras pâturages des Falisques, de jeunes taureaux dont le front n’est encore ni menaçant ni terrible ; et le porc, victime modeste, arraché à son humble toit ; et le bouc, ce chef du troupeau, dont la corne est recourbée autour de sa tête redoutable. La chèvre seule est odieuse à la puissante déesse. C’est elle qui trahit, dit-on, la présence de Junon dans un épais bocage, et la contraignit de renoncer à sa fuite. Aussi maintenant encore les enfants poursuivent-ils de leurs traits l’indiscret animal ; et il devient le prix du premier qui le blesse. Partout où doit passer la déesse, les jeunes gens et leurs timides compagnes couvrent de tapis les larges chemins. Les cheveux des jeunes filles sont chargés d’or et de pierreries ; une robe magnifique descend jusque sur leurs pieds enrichis d’or. Vêtues de blanc à la manière des Grecs leurs pères, elles s’avancent, portant sur leur tête les objets du culte qu’on leur a confiés ; le peuple fait silence pendant la marche du brillant cortège. A la suite de ses prêtresses, paraît enfin la déesse elle-même.

Cette fête est l’image fidèle d’une cérémonie grecque. Après le meurtre d’Agamemnon, Halésus, pour fuir le théâtre du crime, abandonna les trésors de son père : après avoir longtemps erré en fugitif sur la terre et les mers, il bâtit, sous d’heureux auspices, une ville entourée de hautes murailles. C’est de lui que les Falisques ont appris à célébrer les fêtes de Junon. Qu’elles me soient toujours favorables, qu’elles le soient toujours à son peuple !


ÉLÉGIE XIV.

Belle comme tu l’es, je n’exige pas que tu demeures innocente ; mais je ne veux pas être, hélas ! condamné à connaître tes fautes. Non, je ne prétends pas, censeur austère, que tu sois chaste et pudique ; mais, ce que je te demande, c’est de chercher du moins à me tromper sur la vérité. Celle-là n’est pas coupable, qui peut nier la faute qu’on lui impute. C’est l’aveu qu’elle en fait qui seul peut la rendre infâme. Quelle fureur de révéler au jour les mystères de ta nuit, et de dire ouvertement ce que l’on fait en secret ! Avant de se livrer au premier venu, la courtisane met du moins une porte entre elle et le public ; et toi, tu divulgues partout l’opprobre dont tu te couvres, et dénonces toi-