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pouvais justement vanter ton nom connu de l’univers. Mais un nom, tu n’en as point ; tes eaux, tu les dois à des ruisseaux bientôt desséchés. Tu n’as jamais eu ni source ni demeure certaine ; ta source, ce sont les pluies et les neiges fondues, que l’hiver paresseux t’envoie pour toute richesse ; ou tu ne roules, dans la saison des frimas, que des ondes limoneuses, ou, pendant l’été, tu effleures à peine le sable aride. Quel voyageur, alors altéré, a jamais pu y trouver assez d’eau pour étancher sa soif ? Qui a jamais pu s’écrier, dans sa reconnaissance : "Puisse ton cours être éternel ! "

Ton cours, il est funeste aux troupeaux, plus funeste encore aux plaines. D’autres, peut-être, seront sensibles à tes maux ; moi, je ne le suis qu’aux miens. Insensé que je suis, je lui racontais les amours des fleuves ! Je rougis maintenant d’avoir prononcé devant toi des noms si grands, si au-dessus du tien. Comment, en le regardant, ai-je pu vous nommer, ô nobles fleuves, Achéloüs, Inachus et toi, Nil puissant ? Va, torrent bourbeux, tu le mérites bien, puisses-tu ne jamais voir qu’un soleil brûlant ou des hivers sans pluies !


ÉLÉGIE VII.

Mais elle n’a donc, cette jeune fille, ni beauté ni grâce ? mais elle ne fut donc pas assez longtemps l’objet de mes vœux ? Je l’ai tenue dans mes bras, et je suis resté impuissant ; honte à moi ! qui ne fus qu’une masse inerte sur son lit paresseux. Pleins des désirs qui l’enflammaient elle-même, je n’ai pu réveiller chez moi l’organe du plaisir, hélas ! épuisé. Elle eut beau passer autour de mon cou ses bras d’ivoire, plus blancs que la neige de Sithonie ; elle eut beau, de sa langue voluptueuse, prodiguer des baisers à la mienne, glisser sous ma cuisse sa cuisse lascive, me donner les noms les plus tendres, m’appeler son vainqueur, me dire tout ce qui peut exciter la passion ; mes membres engourdis, comme s’ils eussent été frottés de la froide ciguë, ne me rendirent aucun office. Je suis demeuré comme un tronc sans vigueur, comme une statue, comme une masse inutile, et je pouvais douter si j’étais un corps ou bien une ombre.

Quelle sera donc ma vieillesse, si j’y parviens jamais, quand ma jeunesse me fait ainsi défaut ? Hélas ! je rougis de mon âge ! Je suis jeune, je suis homme, et ma maîtresse n’a trouvé en moi ni la jeunesse ni la virilité ! Telle sort de la couche la pieuse prêtresse, pour aller veiller à la garde du feu éternel ; telle une chaste sœur quitte un frère bien aimé : naguère pourtant j’acquittai deux fois ma dette avec la blonde Chië, trois fois avec la blanche Pitho, trois fois avec Libas ; et, pressé par Corinne, j’ai pu, je m’en souviens, soutenir neuf fois l’assaut dans une courte nuit.