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se glisse lentement autour des offrandes, et qu’au milieu du cortège s’avance Apis aux cornes dorées. Arrête ici tes regards, et en sauvant ma maîtresse, épargne deux victimes ; car tous deux nous recevrons la vie, elle de toi, et moi d’elle. Bien souvent tu l’as vue célébrer les jours qui te sont consacrés, à l’heure où les prêtres ceignent leur front de lauriers.

Et toi qui as pitié des jeunes épouses dans leur laborieux enfantement, alors que le fruit caché qui grossit leurs flancs rend leur marche plus lente, Ilithye, sois-moi propice, et daigne écouter ma prière : elle mérite que tu la comptes au nombre de tes protégées. Moi-même, revêtu d’une robe blanche, je ferai fumer l’encens sur tes autels ; moi-même j’irai déposer à tes pieds les offrandes promises, et j’y graverai celle inscription : "Ovide, pour le salut de Corinne." Oh ! daigne mériter cette inscription et ces offrandes !

Et toi, Corinne, si, tout entier à la crainte, il m’est encore permis de te donner des conseils, après une telle épreuve, garde-toi d’en tenter une nouvelle.


ÉLÉGIE XIV.

A quoi sert-il aux belles de n’avoir point à se mêler dans les combats, et à se couvrir du bouclier ? Sans aller à la guerre, elles se blessent de leurs propres traits, et arment contre leurs jours leurs aveugles mains.

Celle qui ta première essaya de repousser de ses flancs le tendre fruit qu’ils portaient, méritait de périr victime de ses propres armes. Quoi ! de peur que tes flancs ne soient sillonnés de quelques rides, il faut ravager le triste champ où tu livras le combat ! Si, aux premiers âges du monde, les mères avaient eu la même coutume, le genre humain se serait éteint par leur faute, et il eût fallu un autre Deucalion qui semât de nouveau, dans l’univers dépeuplé, ces pierres fécondes d’où sortirent nos aïeux. Qui eût détruit l’empire de Priam, si le sein de Thétis, divinité des mers, n’eût pas porté son fruit jusqu’au jour fixé par la nature ? Si Ilia eût étouffé les jumeaux dont elle était grosse, c’en était fait du fondateur de la ville souveraine ; si Vénus eût fait mourir Énée dans son sein, la terre était privée des Césars. Toi-même, qui devais naître si belle, tu aurais péri, si ta mère avait accompli ce que tu viens de tenter. Et moi, dont la destinée plus heureuse est de mourir d’amour, je n’aurais jamais existé ; si ma mère m’eût étouffé dans son sein.

Pourquoi dépouiller ta vigne féconde du raisin qui grossit ? Pourquoi, d’une main cruelle, arracher le fruit encore vert ? Parvenu à sa maturité, il tombera de lui-même ; une fois né,