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la vôtre, et il se montra, jusqu’au dernier moment, ami fidèle et dévoué. Ce que fut le jeune Phocéen pour l’argien Oreste, la tourterelle le fut pour toi, ô perroquet ! tant que tu vécus. Mais que t’a servi cette fidélité ? Que t’a servi l’éclat de ton rare plumage ? Que t’a servi ta voix, si ingénieuse à imiter la nôtre ? Que t’a servi d’avoir plu à ma maîtresse, dès que tu lui fus donné ? infortuné ! tu étais la gloire des oiseaux, et tu n’es plus ! Tu pouvais, par ton plumage, éclipser la verte émeraude ; le rouge incarnat de ton bec pouvait le disputer à la pourpre ; nul oiseau sur la terre ne parlait aussi bien que toi, tant tu mettais d’art à répéter en grasseyant les sons que tu avais entendus !

Un destin jaloux t’a frappé ; tu ne volais point aux combats sanglants ; ta loquacité ne t’empêchait pas d’aimer les douceurs de la paix ; nous voyons les cailles toujours en guerre, et, à cause de cela, peut-être, vivre de longues années. La moindre nourriture te rassasiait, et tu aimais trop à babiller pour aspirer sans cesse après des aliments. Une noix faisait ton repas ; quelques pavots t’invitaient au sommeil ; quelques gouttes d’eau étanchaient ta soif. Longue est la vie du vautour avide, du milan qui décrit de grands cercles au milieu des airs ; et du geai qui pronostique la pluie. Longue aussi est la vie de la corneille, odieuse à la belliqueuse Minerve ; à peine doit-elle mourir au bout de neuf siècles. Et il est mort, cet oiseau qui savait si bien imiter la voix de l’homme ; ce perroquet, présent qui nous venait des extrémités du monde ! Presque toujours les mains avares de la mort nous enlèvent d’abord les plus belles choses, et laissent s’accomplir la destinée des plus mauvaises. Thersite vit les tristes funérailles de Phylacidès, et Hector était réduit en cendres, que ses frères vivaient encore.

Pourquoi rappeler les tendres vœux que fit pour toi ma maîtresse alarmée ; ces vœux qu’emporta au milieu des mers le Notus au front chargé de tempêtes ? Tu avais atteint le, septième jour qui ne devait point avoir de lendemain ; et déjà pour toi la Parque avait dévidé tout son fuseau ; ta langue cependant ne resta pas inactive et glacée à ton palais ; tu t’écrias en mourant : "Corinne, adieu ! "

Dans l’Élysée, sur le penchant d’une colline ; il est une forêt ombragée de chênes touffus, la terre humide y est tapissée d’un gazon éternel. Ce lieu, s’il faut en croire la fable, est, dit-on, le séjour des oiseaux dont la vie s’écoula, dans l’innocence ; les oiseaux de mauvais augure en sont exclus. Là vivent réunis les cygnes inoffensifs et l’immortel phénix, qui n’a point son semblable ; la l’oiseau de Junon étale avec orgueil son brillant plumage, et la caressante colombe se livre aux baisers de son brûlant époux. Reçu au milieu d’eux, nouvel hôte de ces bocages, notre perroquet attire sur lui, par