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les métamorphoses

une coupe d’or et un diadème étincelant de pierreries.

V. Anchise croit se rappeler que les Troyens tirent leur origine de Teucer : de Délos, ils font voile pour la Crète, mais ils en sont bientôt chassés par un terrible fléau ; ils quittent l’île aux cent villes, pour aller chercher les bords de l’Ausonie. Une tempête éclate, et les pousse sur les rivages perfides des Strophades, où la hideuse Aello les glace d’horreur. Bientôt Dulichium, Ithaque, Samé, Nérite, royaume du perfide Ulysse, fuient derrière eux. Ils aperçoivent Ambracie, disputée jadis par les dieux(14) ; le rocher auquel le juge du débat, métamorphosé en pierre, a donné sa forme ; le promontoire où s’élève aujourd’hui le temple de l’Apollon d’Actium(15) ; Dodone et ses rochers parlants ; et le golfe de Chaonie, où Jupiter sauva des flammes les enfants du roi des Molosses(16), en leur donnant des ailes. Ils gagnent l’île fortunée des Phéaciens, où mûrissent tant de fruits délicieux : ils visitent l’Épire, Buthrote, où régnait le divin Hélénus, et qui leur présente une faible image de Troie. De là, éclairés sur l’avenir par la science infaillible du fils de Priam, ils abordent aux champs de la Sicile ; cette île pousse trois caps dans la mer : celui de Pachynos, vers l’Auster orageux ; celui de Lilybée, du côté où soufflent les doux zéphyrs ; et celui de Pélore vers Borée et vers l’Ourse, qui ne se plonge jamais dans l’Océan. C’est là que les Troyens s’arrêtent : la rame et le vent favorable les font entrer dans le port de Zancle.

Scylla sur la rive droite du détroit, l’infatigable Charybde sur la rive gauche, sont la terreur des matelots : l’une ravit, dévore et revomit les vaisseaux, l’autre, dont une meute aboyante forme la noire ceinture, a le visage d’une jeune fille : et elle fut jadis une jeune fille, si tout n’est pas fiction dans les récits des poètes. Une foule de prétendants briguaient sa main ; mais elle rejetait leurs vœux, et, chérie des nymphes de la mer, elle allait leur conter ses refus et le désespoir de ses amants. Un jour Galatée, pendant que Scylla lui nouait et dénouait ses beaux cheveux, lui dit avec un long soupir : « Que tu es heureuse, ô Scylla ! tu n’as pas de sauvages amants ; tu peux impunément refuser leurs vœux ; et moi, fille de Nérée et de la belle Doris, avec mes cinquante sœurs pour appui, je n’ai pu échapper qu’à force de pleurs à l’amour d’un Cyclope. » Les larmes étouffent sa voix ; Scylla les essuie de sa blanche main, et console doucement la déesse : « Parle-moi, ô compagne chérie, lui dit-elle : ne crains pas de dire à ton amie la cause de ta douleur. » Galatée lui répond :

« Acis était le fils de Faune et de la nymphe Symæthis : il faisait le bonheur de son père,