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LIVRE TREIZIÈME


ARGUMENT. — I. Les armes d’Achille réclamées par Ajax et Ulysse ; métamorphose d’Ajax en hyacinthe. — II. Mort de Polyxène ; métamorphose d’Hécube en chienne. — III. De Memnon en Memnonides. — IV. Fuite d’Énée : métamorphose des filles d’Anius en colombes. — V. Mort de Galatée et d’Acis ; métamorphose de Glaucus en dieu marin.


I. Les chefs étaient assis, et la foule se tenait debout autour d’eux. Le héros au bouclier recouvert de sept peaux, Ajax se lève, frémissant de colère ; il jette sur le rivage de Sigée, sur la flotte, un sombre regard, et, les mains levées vers le ciel : « Ô Jupiter, s’écrie-t-il, c’est à la vue des vaisseaux que le débat s’agite, et c’est Ulysse qui se compare à moi ! Mais il a fui lâchement devant les feux d’Hector, et moi je les ai bravés, je les ai repoussés loin de cette flotte ! Mieux vaut donc combattre avec de belles paroles que le fer en main ? pour moi, je parle comme Ulysse agit, peu et mal : ma force est dans mon bras, au milieu de la mêlée, et la sienne est dans sa langue. Je n’ai pas besoin, je pense, de vous rappeler ce que j’ai fait, vous l’avez vu ; c’est à Ulysse de vous raconter ses exploits, exploits sans témoins, et dont la nuit seule a le secret. Le prix que je demande est grand sans doute, mais un tel adversaire le ravale ; quelle gloire pour Ajax de l’obtenir, si beau qu’il soit, quand Ulysse a osé y prétendre ! Pour lui, la lutte elle-même est déjà un honneur ; et, après sa défaite, on dira qu’il avait Ajax pour rival.

« Et d’ailleurs, si l’on pouvait mettre en question mon courage, j’aurais encore le droit de la naissance : moi, fils de Télamon, qui détruisit avec Hercule les murs de Troie, et osa pénétrer sur le vaisseau des Argonautes jusqu’aux rivages de Colchos ; moi, petit-fils d’Éaque, qui juge les ombres silencieuses dans les enfers, où Sisyphe gémit sous le poids de son rocher. Éaque est le fils de Jupiter ; Jupiter est ainsi le bisaïeul d’Ajax. ; mais je ne parlerais pas ici de cette série d’aïeux, si elle ne m’était commune avec Achille : mon père et le sien étaient frères ; c’est comme son héritier que je demande ses armes. De quel droit le digne descendant de Sisyphe(1), comme lui perfide et lâche, viendrait-il mêler aux noms