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les métamorphoses

donné de le combattre en face, perce-le d’un trait imprévu. »

Apollon y consent : il va satisfaire tout ensemble et la haine de Neptune et sa propre haine. Enveloppé d’un nuage, il arrive au milieu des bataillons troyens, et, au fort du carnage, il aperçoit Pâris qui lance ses traits sur quelques Grecs obscurs ; il se découvre à lui, en disant : « Pourquoi, Pâris, perdre tes flèches contre ces guerriers sans nom ? S’il te reste quelque amour pour les tiens, tends ton arc contre Achille, et venge tes frères égorgés. »

Il dit, et lui montre le fils de Pélée qui renverse des bataillons entiers de Troyens. Il tourne l’arc de Pâris contre le héros. L’arc de Pâris et sa main trop sûre dirigent le trait fatal. Depuis le trépas d’Hector, ce fut la seule joie du vieux Priam. Ainsi donc, ô Achille ! vainqueur de tant de guerriers, tu devais succomber sous les coups du timide ravisseur d’Hélène. Si ta destinée était de périr par la main d’une femme, tu eusses aimé mieux tomber sous la hache d’une Amazone. Déjà ce héros, la terreur des Phrygiens, l’honneur et le salut des Grecs, l’invincible Achille a été placé sur le bûcher : le même dieu qui fit ses armes les consume(10). Il n’est plus qu’un peu de cendre, et de ce grand Achille il reste un je ne sais quoi, qui remplit à peine une urne légère. Mais sa gloire est vivante, elle remplit tout l’univers : c’est là l’espace qui convient à ce héros, c’est par là qu’Achille est égal à lui-même et qu’il échappe aux enfers. Son bouclier excite parmi les Grecs une sanglante querelle ; à leur ardeur, on peut reconnaître à qui il appartint ; pour conquérir des armes, on va mêler les armes. Ni le fils de Tydée, ni le fils d’Oïlée, ni Ménélas, ni Agamemnon lui-même, ni tant d’autres guerriers n’osent y prétendre. Seuls, Ajax et Ulysse osent les disputer. Le fils d’Atrée, qui craint la haine du vaincu, ne veut pas prononcer entre eux. Il ordonne aux chefs des Grecs de s’asseoir au milieu du camp, et les fait tous juges de cette querelle.


(1) Calchas, fils de Thestor, était un devin, rival de Mopsus. Après le sac de Troie, il se fixa à Colophon en Ionie, où il mourut de désespoir d’avoir été vaincu dans son art par Mopsus.

(2) L’oracle avait annoncé que le premier guerrier qui descendrait sur le rivage de Troie serait tué aussitôt, Protésilas, fils d’Iphiclus et père d’Alcimède, mère de Jason, se dévoua à la mort et sauta le premier sur le rivage. À cette nouvelle, sa femme Laodamie se tua de désespoir.

(3) Lyrnesse, ville de la Mysie sur l’Événus, fut prise et pillée par Achille, qui y fit captive Briséis.

(4) Télèphe, roi de Mysie, fils d’Hercule et d’Ange. Lorsque les Grecs, marchant contre Troie, envahirent la Mysie, il fut blessé dans un combat par la lance d’Achille. Ayant consulté l’oracle pour savoir si la plaie était mortelle, l’oracle répondit que l’arme qui l’avait blessé pouvait seule le guérir. Télèphe se rendit alors en suppliant au camp des Grecs, et Achille le guérit, en appliquant sur la plaie la rouille de sa lance.

(5) Cénis, fille du Lapithe Élatus, dont la double métamorphose est racontée dans la suite de ce livre, devenue homme, fit partie, sous le nom de Cénée, de l’expédition des Argonautes.

(6) Pirithous, fils d’Ixion et de la Nue, roi des Lapithes, peuple de la Thessalie qui habitait le long des rives du Pénée, dont il avait chassé les Perrhèbes. D’abord vainqueurs des Centaures, dans le combat que raconte Ovide, ils furent par la suite chassés par eux des bords du Pénée. Ils se réfugièrent les uns à Malée, au sud de Péloponnèse, les autres à Pholoé, en Arcadie.

(7) Cyllare était aussi le nom du cheval de Castor.

(8) Mopsus, qu’Ovide fait ici le fils d’Ampycas, était regardé comme fils d’Apollon ou de Tirésias. Il l’emporta dans son art sur Calchas qui en mourut de désespoir.

(9) Nélée, fils de Neptune et de Tyro, et frère de Pélias, s’empara avec son frère du royaume d’Iolcos et y régna quelque temps ; mais en ayant été chassé par Pélias, il vint se réfugier en Messénie, et y fonda un petit royaume, dont Pylos devint la capitale. Il épousa Chloris, fille d’Amphion et en eut douze fils, dont Nestor.

(10) Vulcain, dieu du feu, avait forgé les armes d’Achille.