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les métamorphoses

Le dieu de Délos ne voulut pas laisser la forme humaine à des oreilles si barbares : il les allonge, les remplit de poils grisâtres et les rend mobiles. Midas a tout le reste d’un homme : il est puni dans cette seule partie de son corps, et ses oreilles sont celles d’un âne.

Il veut dérober sa honte et cacher sous un bandeau de pourpre l’outrage de son front. Mais un de ses serviteurs l’a vu ; c’est celui dont la main taille avec le fer les cheveux de son maître. Il n’ose révéler ce qu’il a vu ; et cependant il veut le dire : il ne pourrait se taire. Se retirant à l’écart, il creuse la terre, et, à voix basse, y dépose le secret de son maître ; puis il recouvre la fosse et s’éloigne en silence. Bientôt à cette même place une forêt de roseaux se balance, et l’automne qui les mûrit vient trahir celui qui les a semés ; car les tiges balancées par le zéphyr laissent échapper les paroles confiées à la terre, et racontent le secret des oreilles de Midas.

V. Ainsi vengé, Phébus quitte le Tmole, et s’élevant dans les airs, vole, en deçà de l’étroite mer d’Hellé, vers les plaines de Laomédon. Entre les deux promontoires de Sigée et de Rhétée, s’élève un autel antique consacré à Jupiter Panomphée(4). C’est de là que le dieu voit Laomédon édifiant une ville nouvelle ; difficile entreprise et qui demandera d’immenses travaux et d’immenses richesses. Apollon prend la forme d’un mortel, et avec l’aide de Neptune, élève les murs pour un prix convenu. L’œuvre achevée, le tyran en refuse le prix, et pour comble de perfidie, il ose renier sa promesse : « Ton parjure ne restera pas impuni, » s’écrie le dieu des mers ; et il incline ses eaux sur le rivage de la cité perfide. La contrée n’est plus qu’une vaste mer ; l’espoir des laboureurs est détruit ; les flots ont recouvert les moissons. Ce châtiment serait trop doux encore : la fille du roi parjure est dévouée à un monstre marin(5), et enchaînée aux rochers du rivage. Hercule la délivre, et réclame les chevaux promis en récompense. Laomédon refuse le salaire d’un si grand service, et le héros s’empare de Troie deux fois parjure. Télamon, qui, dans ces combats, a partagé la gloire et les dangers d’Alcide, reçoit pour prix la main d’Hésione : déjà Pélée, autre compagnon d’Hercule, est l’heureux époux d’une déesse. Il ne s’enorgueillit pas moins de son gendre que de son beau-père : car, si beaucoup ont pu se vanter d’être du sang de Jupiter, lui seul a pour épouse une immortelle.

VI. Le vieux Protée avait dit à Thétis : « Déesse des ondes, deviens mère : de toi naîtra un fils dont les hauts faits surpasseront ceux de son père, et qui sera plus grand