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sœur de ton fils, et la mère de ton frère ? Ne crains-tu donc pas les sombres serpents qui sifflent sur la tête des furies, ces torches vengeresses, menaçantes, qu’elles agitent devant les yeux des coupables épouvantés ? Ah ! puisque ton corps est exempt de souillure, interdis au crime l’accès de ton âme. La nature a des lois souveraines ; ta flamme monstrueuse en violerait la sainteté. Crois-tu qu’il se rende à tes vœux, lui, ton père ? Jamais ; il est trop pur, trop fidèle au devoir. Oh ! comme je voudrais qu’il partageât mon égarement ! »

Elle dit. Cependant Cinyre, qu’une foule d’illustres prétendants fait hésiter sur le choix d’un gendre, les nomme à sa fille, et lui demande quel époux elle préfère. Myrrha se tait d’abord. Les yeux attachés sur son père, elle rougit, et des pleurs viennent mouiller ses paupières brûlantes. Cinyre voit dans ces larmes le trouble d’une vierge pudique. Il sèche les pleurs, il essuie les joues de Myrrha, et sa bouche lui donne un baiser pour elle trop plein de délices. Il l’interroge de nouveau. « Quel est l’époux que tu désires ? — Un époux comme toi, » dit-elle. Cinyre approuve la réponse : il n’a pas compris. « Bien, ma fille, conserve toujours une piété si tendre. » À ce nom qui te reproche ton crime, tu baisses la tête, ô vierge infortunée !

La nuit avait fait la moitié de sa course, et dans l’âme des mortels la douleur s’était endormie. Mais la fille de Cinyre veille. En proie à l’indomptable feu qui la consume, elle roule des pensées frénétiques. Tantôt elle désespère, tantôt elle veut tout affronter ; elle craint, elle désire tour à tour. Que faire ? Elle l’ignore. Ainsi, blessé par la cognée, chancelle un grand arbre ; le dernier coup va l’abattre : où tombera-t-il ? On ne sait, mais de toutes parts on craint sa chute. Ainsi l’âme de Myrrha, ébranlée par maint assaut, penche, hésite, balance ; âme légère qui ne trouve en elle-même ni ressorts ni contre-poids. Nul terme, nul remède à son amour que la mort. La mort ! Elle s’y résigne. Elle se lève. Un lacet terminera sa vie ; elle l’a juré. Déjà sa ceinture est fixée au lambris. « Cher Cinyre, adieu ! puisses-tu devenir la cause de ma mort ! » Et pâle, elle nouait à son cou le lien funeste.

Ces accents confus parvinrent, dit-on, aux oreilles de la nourrice de Myrrha. Gardienne attentive, elle reposait au seuil de son élève. La vieille sort de sa couche, ouvre la porte, et le premier objet qui s’offre à ses yeux, c’est l’instrument de trépas. Pousser un cri, se meurtrir le sein, déchirer ses vêtements, arracher, mettre en pièces le lacet homicide, tout cela est l’ouvrage d’un instant. C’est alors, c’est à la fin qu’elle donne un libre cours à ses larmes, qu’elle embrasse la jeune fille, qu’elle veut connaître la cause d’un tel désespoir.

La jeune fille se tait ; muette, immobile, elle regarde la terre. Hélas ! pourquoi l’a-t-on surprise ? Pourquoi ces longs apprêts ont-ils