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les métamorphoses

chevauchais çà et là, pressant d’un frein de pourpre sa bouche obéissante.

L’été régnait : c’était vers le milieu du jour ; brûlé par les feux du soleil, le Cancer recourbait ses bras douloureux. Étendu de lassitude sur la terre moelleuse, le cerf goûtait la fraîcheur à l’ombre de son épaisse ramure. L’imprudent Cyparisse lance un trait acéré ; le trait vole, perce son ami d’une atteinte cruelle ; l’enfant le voit mourir, et il veut mourir lui-même. Que de consolations lui prodigue alors Phœbus ! C’est un léger malheur qui ne mérite pas tant de plainte. Il l’encourage ; Cyparisse n’en gémit pas moins. La dernière faveur qu’il demande aux dieux, c’est de verser des larmes éternelles. Déjà ses pleurs intarissables ont épuisé tout son sang : une teinte livide se répand sur ses membres ; ces cheveux qui tout à l’heure pendaient sur son front de neige, ces beaux cheveux se dressent ; ils deviennent raides, et leur pointe aiguë menace le ciel étoilé. Le dieu gémit, et, plein de tristesse : « Toi que je pleurerai toujours, dit-il, tu seras l’arbre du deuil et le symbole des regrets. »

III. Parmi ces arbres qu’il attire, parmi les habitants des bois et des airs, qui forment son cortège, le chantre était assis. Il essaie du doigt les cordes émues, et jugeant que de la variété des accords résulte une parfaite harmonie, il rompt le silence, il élève sa voix pure :

« À Jupiter, muse qui m’as donné le jour ! tout reconnaît son empire suprême : à Jupiter le début de mes chants ! Jupiter ! j’ai souvent célébré son pouvoir. J’ai chanté sur des tons hardis et les géants et les plaines de Phlégra sillonnées de ses foudres victorieuses. Aujourd’hui, sur une lyre plus légère, chantons les enfants chéris des immortels, et ces vierges coupables, égarées, dont les flammes monstrueuses ont attiré le courroux céleste.

Jadis le roi des dieux brûla d’amour pour Ganymède, le jeune Phrygien, et un être se rencontra dont Jupiter put envier la forme. Il se change en oiseau, mais c’est l’oiseau qui porte son tonnerre. Soudain frappant l’air d’une aile empruntée, il ravit le pâtre du Scamandre. Maintenant encore Ganymède remplit sa coupe, et Jupiter, en dépit de Junon, reçoit le nectar de sa main.

IV. Toi aussi, fils d’Amyclès, Phœbus t’aurait placé dans l’Olympe, si les destins sévères eussent permis ton apothéose. Du moins il te fait une sorte d’immortalité, toutes les fois que le printemps détrône l’hiver ; toutes les fois que le Poisson cache, au retour du Bélier, son étoile pluvieuse, tu renais, bel Hyacinthe, tu refleuris sur ta tige verdoyante. Toi, plus qu’un autre, tu fus cher à l’auteur de ma vie. Au centre du globe, les trépieds de Delphes réclamaient sa présence, tandis qu’aux bords de l’Eurotas, le dieu fréquente Lacédémone, ceinte de vivantes