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les métamorphoses

laient Œnopie ; mais Éaque lui donna le nom d’Égine, sa mère. La foule se précipite et brûle de connaître un héros si renommé. Au-devant de Minos accourent Télamon, et Pélée, plus jeune que Télamon, et Phocus, le troisième fils d’Éaque. Le roi lui-même s’avance vers lui d’un pas que ralentit le poids de la vieillesse, et lui demande quel sujet l’amène en ces lieux. Au souvenir de ses douleurs de père, le roi des cent villes soupire et s’exprime en ces termes : « Soutenez, je vous en conjure, ces armes que j’ai prises pour venger mon fils ; associez-vous à une guerre pieuse ; je demande une expiation pour les mânes de mon fils. » Le petit-fils d’Asopus lui répond : « Ce que tu demandes n’est pas au pouvoir de mon peuple : aucune contrée n’est plus étroitement unie que la nôtre à la ville de Cécrops ; cette alliance est sacrée pour nous. » Minos s’éloigne avec tristesse. « Cette alliance vous coûtera cher, » dit-il, persuadé qu’il vaut mieux menacer de la guerre que de l’entreprendre et d’épuiser ses forces avant le temps.

Des remparts d’Œnopie on pouvait encore apercevoir la flotte crétoise, lorsqu’un vaisseau athénien s’avance à pleines voiles et pénètre dans le port de ses alliés : il porte Céphale et les vœux de sa patrie. Les fils d’Éaque n’ont point vu Céphale depuis longtemps ; ils le reconnaissent pourtant, lui tendent la main et le conduisent au palais de leur père. Le héros, dont les traits pleins de noblesse conservent encore les traces de leur ancienne beauté, s’avance, tenant à la main une branche de l’olivier cher au peuple d’Athènes ; à sa droite et à sa gauche, marchent Clyton et Butès, plus jeunes que lui et tous deux fils de Pallas. À peine admis auprès d’Éaque, les envoyés d’Athènes lui adressent des félicitations, et Céphale, remplissant sa mission, demande au roi des secours, et lui rappelle les traités et les liens qui unissaient leurs pères ; il ajoute que Minos aspire à la domination de la Grèce entière. Quand il eut soutenu de son éloquence les intérêts qui lui étaient confiés, Éaque, appuyant sa main gauche sur la poignée de son sceptre : « Ne me demande pas du secours, ô Athènes, dit-il, prends-le toi-même. N’hésite pas à regarder comme ton bien les forces de cet empire ; toute ma puissance est prête à te suivre. Les ressources ne me manquent pas ; j’ai assez de soldats pour me défendre ou pour attaquer mes ennemis : grâce aux dieux, mon empire prospère, et je ne puis excuser mon refus par le malheur des temps. » — « Puisse-t-il en être ainsi ! répond Céphale, et puisse croître encore le bonheur de votre peuple ! J’en conviens, à mon arrivée, mon cœur s’est ouvert à la joie, quand j’ai vu accourir devant moi cette jeunesse brillante, où l’âge semble avoir mis tant d’égalité : cependant mes yeux cherchent en vain plusieurs guerriers que j’ai vus jadis dans votre ville. »