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— Laisse-la donc faire, dit Lapointe, qui était là avec les autres.

— Du tout, dit Schérer d’un ton héroïque.

Le profond silence qui suivit cette parole l’encouragea à développer sa pensée.

— Du tout, Lapointe, ton cœur se refuse aux commandements de la nature. Il ne sera pas dit que le nom de Schérer sera inscrit sur les cadres de l’indigence. Mes enfants, quoique n’ayant pas l’honneur de vous appartenir que par ouï-dire, vous êtes admis à partager le pain du soldat ! Cette soi-disant mère ou grand’mère me paraît vivement désirer que je vous adopte, sous peine de crever de faim à perpétuité.

— Schérer, tu fais là un beau trait, dirent les camarades présents.

— Allons, dit Lapointe, il se conduit bien ; on ne peut pas lui ôter ça.

Madame Fressurey, dans son transport, voulut se jeter aux pieds de Schérer et pousser les petits enfants dans ses bras.

— En voilà assez, dit Schérer ; indiquez-moi votre nouveau domicile, et attendez-moi jusqu’à nouvel ordre ; nous verrons à nous arranger ? Pas accéléré, qu’on file d’ici ; Schérer n’a que sa parole.

Après cette action magnanime si rondement accomplie, les camarades, Lapointe en tête, recommencèrent leurs félicitations ; mais Schérer, les interrompant :

— Je n’ai fait que mon devoir, quoi ! tout honnête homme connaît sa consigne dans un cas pareil.

Madame Fressurey avait dès longtemps quitté son fa-